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Sortie en DVD le 03 Mai 2011

Début mai 2011, Versus Entertainment édite la version française du « pack José Luis Guerin » paru en Espagne en 2008. Ce coffret permet de (re)découvrir dans des conditions optimales (minutieux travail de restauration élaboré en collaboration avec le cinéaste) et en profondeur (bonus pertinemment sélectionnés) une partie de l’œuvre de ce cinéaste phare de la production contemporaine espagnole.

Commencer par revenir : sortie du « Coffret José Luis Guerin »

Les trois longs-métrages qui composent ce bel objet éditorial (Innisfree, Tren de sombras et Unas fotos en la ciudad de Sylvia) ont été scannés en haute définition - à partir du négatif d’origine pour les deux premiers et à partir du matériel original en DV pour le dernier. Les films ont ainsi pu être nettoyés de leurs taches, rayures, saletés, etc., et ont bénéficié d’un réétalonnage supervisé par l’auteur. Le film Innisfree a aussi vu sa bande-son restaurée par les mêmes membres de l’équipe technique qui, à l’époque du tournage du film, s’étaient occupés du son. Ce coffret nous permet donc de (re)voir les films comme ils n’avaient jamais pu être vus. Ce remarquable travail éditorial a d’ailleurs reçu le prix du meilleur DVD 2008 décerné par les Cahiers du Cinéma España.

Le pack propose près de deux heures de suppléments. Pour parfaire le visionnage d’Innisfree, on pourra ainsi consulter les « notes pour un casting », le travail de localisation fait avec Lord Killanin et des scènes de tournages. En complément du film Tren de sombras, le coffret nous offre un court-métrage de José Luis Guerin (inédit jusqu’à ce jour), Souvenirs, tourné en 1984, et un extrait d’un « film expérimental de M. Fleury » - double du réalisateur. Le film Unas fotos en la ciudad de Sylvia, film personnel fait d’images fixes, jamais sorti en salle, « satellite » du long-métrage En la ciudad de Sylvia, se trouve illuminé (bien plus qu’éclairé, tant cette lumière est endogène) par différentes séquences éliminées, ainsi que par des extraits de l’exposition Las mujeres que no conocemos, présentée à la Biennale artistique de Venise en 2007. Plusieurs interviews avec des proches collaborateurs du cinéaste (Manel Almiñana, Gerardo Gormezano, Pere Portabella et Héctor Fáver) ainsi que les extraits du superbe portrait du cinéaste réalisé par Abel Garcia Roure (Apuntes para un retrato, 1998) couronnent cette opulente documentation audiovisuelle.

Le dernier bonus de ce pack est un livret d’une soixantaine de pages comprenant des textes intelligents (essais et réflexions réalisés par des critiques, historiens et collaborateurs de José Luis Guerin: J. L. Garner, A. F. Santos, M. Marias, R. Casals, L. M. de Oliveira, C. Losilla, T. Pladevall, G. de Lucas, D. Bordwell et N. Esquerra), ainsi que des documents fondamentaux comme le poème de W. B. Yeats, The Lake Isle of Innisfree qui ouvre Innisfree, le texte de Maxime Gorki Le royaume des ombres qui est à l’origine du film Tren de sombras ou le conte de Miguel Marías La visión qui joue un rôle important dans la réalisation de Unas fotos en la ciudad de Sylvia...

Dans son ensemble, ce coffret nous donne donc l’avantage de voir ce qui, à première vue, ne se laisse pas voir (percevoir l’invisible). Ce printemps éditorial nous permet de découvrir une œuvre indispensable comme on ne l’avait jamais vue, de la revoir avant même de l’avoir vue - telle un fantôme, un revenant. Ce commencement en forme de retour énigmatique est un peu le miroir de la démarche artistique de José Luis Guerin, dont tous les films commencent par des retours, pointant ainsi un temps a-chronologique, disloqué, dérangé, désarticulé, où ce qui précède peut aussi bien être devant nous qu’avant nous, où les fantômes sont toujours à venir. Le retour, la répétition et la friction propres aux films de José Luis Guerin - toujours entre fictions et documentaires, se frottant et au réel et au virtuel, commençant par revenir... - permettent au cinéaste de cultiver le passé, non pour le reproduire mais plutôt en vue de produire de la différence, de produire dans la différence.

Ainsi, dans les films de José Luis Guerin l’écriture apparaît, toujours, comme récriture: habitée, hantée. En nous permettant de nous plonger dans cette œuvre aussi fantastique que fantomatique (par son absence, jusqu’à ce jour, dans le circuit conventionnel mais aussi de par la difficulté que l’on éprouve à la saisir ou la cataloguer), en nous exposant les irrigations qui nourrissent les films de José Luis Guerin, ce coffret est aussi une invitation à repenser l’histoire du cinéma espagnol - peut-être de façon moins linéaire et moins rigide que nous ne l’avions fait jusqu’alors. Et c’est aussi là que réside la force  de ce « pack José Luis Guerin »: il ne dit pas, il montre, ou plutôt, il permet de voir.



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