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Eva, c'est un futur idéal qui pourrait exister dans 30 ans. 
Entretien avec le réalisateur Kike Maíllo, dont le film Eva était présenté en avant-première lors du 22e festival du cinéma espagnol de Nantes. Un film de science-fiction évoquant la cohabitation entre humains et robots en 2041.
Kike Maíllo - Eva
La science-fiction est le registre qui prime dans votre film. Voilà un genre peu commun dans le cinéma espagnol. Pourquoi avoir fait ce choix?

Je voulais faire un cinéma différent du cinéma espagnol actuel: de la science-fiction. Évoquer l'univers robotique était une façon de parler de nous-mêmes. C'est vrai qu'il y a peu de références en Espagne en matière de science-fiction. Mais Eva est aussi à la fois un thriller et un film d'action, donc c'était mieux de ne pas avoir trop de références.

Dans Eva, vous évoquez un univers idéal où le robot ne dépasse jamais l'humain, où les personnages vivent dans un futur écologique. Est-ce que c'est comme ça que vous voyez le monde dans 30 ans?

Je pense que l'humain a une peur atavique et universelle du futur. Tout d'abord parce qu'il aimerait que le futur ne soit pas trop différent du présent, mais aussi parce qu'il a peur de ne pas pouvoir s'y adapter. Et nous, cinéastes, on profite de cette peur pour montrer un futur qui ne serait pas bénéfique. A travers Eva, j'ai voulu montrer un futur dans lequel on pourrait vivre. Un futur en meilleure adéquation avec le social et la nature.

Daniel Brühl interprète Alex, un ingénieur en cybernétique. Pourquoi avoir choisi Daniel Brühl, un acteur très hétéroclite, polyglotte, révélé par Good bye Lenin?

En fait, c 'est un peu lui qui fait le casting parmi les dix gros projets de films espagnols du moment. Il a cette chance de pouvoir choisir le film qu'il a vraiment envie de faire. S'il a choisi Eva, c'est parce qu'il a trouvé que c'était un film différent de ce qu'on lui proposait.

Lluis Homar, acteur fétiche d'Almodovar (Etreintes brisées, La Mauvaise éducation), interprète avec beaucoup de charisme un maître d'hôtel-robot. D'où est venue l'envie de travailler avec lui sur un rôle aussi sophistiqué?

En fait, on a tout de suite pensé à lui pour le rôle, parce qu'il avait la corpulence, la beauté et la prestance du majordome. Avec lui on possédait une certaine sécurité pour le personnage. On voulait qu'il lui ressemble, et comme il faisait beaucoup de rôles comme ça, c'était évident de l'embaucher. On savait que Lluis réussirait à jouer un ton différent sans jamais virer dans la comédie par exemple.

Dans le film, il y a une scène puissante: celle du bar, dans lequel on entend « Space oddity » de David Bowie. Alex et Lana dansent, c'est romantique et ça nous ferait presque oublier qu'on est dans un film de science-fiction. Comment s'est mise en place cette scène?

Dans Eva, j'aborde en parallèle deux mythes universels: celui de Frankenstein et celui d'Ulysse. Alex sait que Lana est encore amoureuse de lui et qu'Eva le considère comme son père. A son retour, il recommence à transgresser des règles qu'il ne devrait pas enfreindre. La scène du bar était extrêmement significative parce qu'Alex va au-delà des règles et tout ce qu'il se passera ensuite sera dû à ce choix. Même si ça peut paraître naïf, c'est très symbolique. Et c'était très important d'insérer « Space Oddity » de David Bowie, une chanson qui représente une dimension parallèle, qui évoque à la fois la science-fiction, le romantisme et l'univers seventies du film.

Eva, interprétée par Claudia Vega, est une femme dans le corps d'une petite fille. La jeune actrice se promet d'ailleurs à une belle carrière. Comment avez-vous établi ce personnage si complexe?

Je suis très fier du personnage d'Eva. C'est une enfant qu'on n'aurait aucun mal à prendre chez soi, avec laquelle on aimerait partager sa vie. En même temps, c'est un personnage difficile à définir, car on ne sait jamais où elle en est. Est-ce qu'elle flirte avec Alex ou est-ce qu'elle entretient une relation d 'amitié?

Alex manie le cerveau de son robot à distance, à l'aide d'"ampoules volantes". Comment avez-vous géré les effets spéciaux lors du tournage?

Pendant le tournage il n'y avait rien. Daniel Brühl bougeait les mains comme on lui indiquait. Par contre, quand il devait saisir des choses, il y avait un objet de référence. Mais il ne savait pas ce qu'il bougeait parce qu'on a eu le schéma des effets spéciaux après le tournage.

Eva a reçu un franc succès dans les festivals et aux Goya où il a reçu trois statuettes (meilleur premier film, meilleur second rôle et meilleurs effets spéciaux). Comment gérez-vous ce succès?

Tout s'est déroulé tellement rapidement que je suis encore dans la folie même de ce qu'il se passe. C'est vrai que les prix des festivals, c'est important pour le film, parce que la science-fiction n'est pas estimée à sa juste valeur en Espagne. Ces prix ont apporté une notoriété à Eva et une curiosité du spectateur qui a envie d'aller le voir.

Vous avez vendu les droits d'auteurs aux Etats-Unis pour une suite ou un remake. Ça ne vous gêne pas que la version américaine d'Eva soit potentiellement ratée?

Le film a déjà été vendu aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Angleterre. Les droits appartiennent à la Weinstein, et avec le succès de The Artist, je suis rassuré. Ce serait plutôt me jeter des fleurs que de s'inspirer de mon film. Mais s'il y a un remake, j'espère qu'il sera raté!

Déjà des idées pour votre prochain film?

Oui, j'aimerais approfondir des sujets de fantasy et de science-fiction.


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