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La palpitante comédie dramatique de Carlos Vermut, composée d'histoires croisées qui tournent très mal, a remporté, lors de la 62éme édition du festival de Saint Sébastien, la Concha d'Or du meilleur film et la Concha d'argent du meilleur réalisateur.
Le film fait clairement appel au symbolique, à l'irrationnel et à l'intuition, faisant confiance au public pour compléter lui-même les suggestions, les silences et les blancs qui émaillent le récit. Il le laisse aussi imaginer tous les mystères qu'il recèle et qui, nourris par l'imagination du spectateur, n'en sont que plus terrifiants. C'est que Vermut (un pseudonyme alcoolisé) s'intéresse beaucoup plus aux personnages qu'à la trame du récit. C'est pour cela que le réalisateur madrilène place leurs visages au centre des plans, nus et sans ornements superflus : il nous laisse vivre l'intensité qu'il peut y avoir dans un regard, une conversation, un geste. C'est ainsi que l'on découvre son monde, un monde où la beauté est partout, même dans un vieux bistrot de quartier – c'est d'ailleurs là qu'a lieu une des scènes les plus chargées en émotion du film.
En effet, la fatalité nous rattrape au tournant et l'homme est bien vulnérable quand il sort de son périmètre de sécurité, comme ce père de famille qui se trouve pris dans des imbroglios impossibles, un peu à la Fargo (dont l'humour noir, parfois amer, est une des références de Vermut). Dans Magical Girl, le désastre est provoqué par la passion la plus extrême que l'on puisse imaginer : l'amour infini d'un père pour sa fille. C'est ce sentiment absolu qui l'entraîne dans un engrenage terrible dont il perd le contrôle. C'est aussi par passion (bien qu'elle soit plus souterraine et inqualifiable) qu'un enseignant perd le contrôle de sa vie et tombe dans le crime. Comme dit le film : selon ce qui nous arrive, nous sommes tous des assassins en puissance.
Tout cela (et bien plus) fait de Magical Girl un des films les plus surprenants, originaux et perturbants de la nouvelle saison cinématographique en Espagne. C'est une tragicomédie où le spectateur commence par rire, avant de sentir son visage pétrifié en un rictus qui confirme qu'on assiste là aux débuts d'une carrière qui promet d'être aussi brillante qu'atypique. Vermut propose un langage et une esthétique si nouveaux qu'après seulement deux films, il est déjà une figure du nouveau cinéma espagnol, celui qui est en train de rompre avec les postulats plus classiques du cinéma qui le précède.
On le dit en crise, en manque de subventions, en attente d'une loi de mécénat promise et qui semblerait ne pas vouloir venir, condamné au crowdfunding. Recettes, production, spectateurs, tous ces indicateurs sont en berne. Pourtant, le talent demeure et de nouvelles propositions audacieuses continuent de fleurir. Lire la suite