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11 Mars 2009 | 24 Mars 2009
Six films concouraient cette année pour le Prix Jules Verne du 19ème Festival du Cinéma Espagnol de Nantes.
Une sélection qui, si l'on fait omission du très radical Tiro en la cabeza, est marquée par un certain académisme. Il aura manqué entre l'iconoclaste film de Jaime Rosales et les cinq autres réalisations, des figures intermédiaires, des films du milieu dirait-on en France, qui tout en étant populaires viennent interroger le cinéma. Le jury du festival a d'ailleurs eu toutes les peines du monde à décerner le Prix Jules Verne du meilleur film. Il aura fallu des heures de délibérations pour choisir finalement Una Palabra tuya, de Angeles González-Sinde, une comédie de moeurs sur le thème de la solitude qui dans sa facture ressemble énormément à Azul de Daniel Sánchez Arévalo.
L'académisme est un reproche récurrent fait au cinéma espagnol aussi bien par la critique que par les programmateurs de festivals. Seuls quelques réalisateurs comme Carlos Saura, pour son cinéma de la métaphore des années 60-70, ou Pedro Almodovar, pour le renouvellement qu'il a apporté au mélodrame, convainquent le public et la presse à l'international. Comme partout ailleurs, l'influence de la télévision, bailleur de fonds important du cinéma, se fait ressentir: scénarios simplifiés, formes standardisées, choix des acteurs limités, budgets restreints... Ce qui pousse à une bipolarisation forte entre des cinéastes « pauvres » mais très inventifs - Victor Erice, Albert Serra, Jaime Rosales, Marc Recha, Pere Portabella - et une production courante formatée par et pour le petit écran.
Une Eglise espagnole réactionnaire
Si l'inventivité formelle n'aura pas été au rendez-vous, les questions de société posées par ces films ont en revanche suscité un grand intérêt. Le thème de l'Eglise aura été très présent avec trois films sur six (Camino, Los Girasoles ciegos, La Buena nueva) évoquant chacun à sa manière ce sujet.
Dans La Buena nueva de Helena Taberna et Los Girasoles ciegos de José Luis Cuerda sont rappelés les liens étroits entre le régime franquiste et l'Eglise espagnole. Ainsi de Salvador, le jeune diacre de Los Girasoles ciegos, qui, après avoir combattu l'arme à la main les Républicains, devient instituteur pour faire des jeunes espagnols "de bons chrétiens et de bons patriotes". A contrario, le prêtre Miguel, dans La Buena nueva, fait le choix de défendre les opprimés de sa paroisse, des Républicains, contre l'avis de sa hiérarchie. Il aura à coeur d'offrir à ces hommes, fusillés et jetés du haut d'une falaise, des sépultures décentes. Une volonté qui fait écho à celle de la Ley de Memoria Historica votée en octobre 2007. Camino de Javier Fesser dénonce, quant à lui, l'approche morbide de l'Opus Dei, organisation religieuse très puissante en Espagne, sur tout ce qui touche à la question de la mort.
Trois films qui donnent une image réactionnaire de l'Eglise et que ne démentent malheureusement pas les récents propos du Pape sur le préservatif ou encore la campagne publicitaire anti-avortement mise en place par le clergé espagnol.
Terrorisme basque et immigration
Autres thèmes abordés dans cette sélection, le terrorisme basque, mis à distance par Jaime Rosales dans Tiro en la cabeza et l'immigration clandestine dans Retorno a Hansala de Chus Gutiérrez.
A la différence d'un film à thèse, Tiro en la cabeza traite de la question du terrorisme par l'absurde. Le choix d'épier en téléobjectif, dans sa vie quotidienne, une personne dont on ne sait rien et dont on ne peut écouter les conversations, est pour le moins déroutant. C'est une façon pour le réalisateur d'échapper à tout discours politique pré-existant et d'essayer de poser différemment la question du terrorisme.
Dans une facture plus classique, Chus Gutiérrez souligne le drame de l'immigration clandestine et de ces personnes qui se noient et s'échouent sur les plages andalouses. Le retour à Hansala, petit village berbère du Maroc, de Leila, soeur d'un défunt, accompagnée de Martin, l'entrepreneur en pompes funèbres, est l'occasion de créer un décalage, de comprendre le pourquoi et le comment du départ, d'apprécier au passage la richesse et la solidarité de cette communauté en plus de la beauté des paysages.
PALMARES 2009
Una palabra tuya, de Ángeles González-Sinde, Prix du Jury Jules Verne
Mention spéciale pour Los Girasoles ciegos, de José Luis Cuerda
La Bonne Nouvelle, de Helena Taberna, Prix du Public
Retour à Hansala, de Chus Gutiérrez, Prix du Jury Jeune
Un fiancé pour Yasmina, de Irene Cardona, Prix Fondation Borau-Opera Prima
Niño balcón, de Pilar Palomero, Prix du Meilleur court-métrage
L'académisme est un reproche récurrent fait au cinéma espagnol aussi bien par la critique que par les programmateurs de festivals. Seuls quelques réalisateurs comme Carlos Saura, pour son cinéma de la métaphore des années 60-70, ou Pedro Almodovar, pour le renouvellement qu'il a apporté au mélodrame, convainquent le public et la presse à l'international. Comme partout ailleurs, l'influence de la télévision, bailleur de fonds important du cinéma, se fait ressentir: scénarios simplifiés, formes standardisées, choix des acteurs limités, budgets restreints... Ce qui pousse à une bipolarisation forte entre des cinéastes « pauvres » mais très inventifs - Victor Erice, Albert Serra, Jaime Rosales, Marc Recha, Pere Portabella - et une production courante formatée par et pour le petit écran.
Une Eglise espagnole réactionnaire
Si l'inventivité formelle n'aura pas été au rendez-vous, les questions de société posées par ces films ont en revanche suscité un grand intérêt. Le thème de l'Eglise aura été très présent avec trois films sur six (Camino, Los Girasoles ciegos, La Buena nueva) évoquant chacun à sa manière ce sujet.
Dans La Buena nueva de Helena Taberna et Los Girasoles ciegos de José Luis Cuerda sont rappelés les liens étroits entre le régime franquiste et l'Eglise espagnole. Ainsi de Salvador, le jeune diacre de Los Girasoles ciegos, qui, après avoir combattu l'arme à la main les Républicains, devient instituteur pour faire des jeunes espagnols "de bons chrétiens et de bons patriotes". A contrario, le prêtre Miguel, dans La Buena nueva, fait le choix de défendre les opprimés de sa paroisse, des Républicains, contre l'avis de sa hiérarchie. Il aura à coeur d'offrir à ces hommes, fusillés et jetés du haut d'une falaise, des sépultures décentes. Une volonté qui fait écho à celle de la Ley de Memoria Historica votée en octobre 2007. Camino de Javier Fesser dénonce, quant à lui, l'approche morbide de l'Opus Dei, organisation religieuse très puissante en Espagne, sur tout ce qui touche à la question de la mort.
Trois films qui donnent une image réactionnaire de l'Eglise et que ne démentent malheureusement pas les récents propos du Pape sur le préservatif ou encore la campagne publicitaire anti-avortement mise en place par le clergé espagnol.
Terrorisme basque et immigration
Autres thèmes abordés dans cette sélection, le terrorisme basque, mis à distance par Jaime Rosales dans Tiro en la cabeza et l'immigration clandestine dans Retorno a Hansala de Chus Gutiérrez.
A la différence d'un film à thèse, Tiro en la cabeza traite de la question du terrorisme par l'absurde. Le choix d'épier en téléobjectif, dans sa vie quotidienne, une personne dont on ne sait rien et dont on ne peut écouter les conversations, est pour le moins déroutant. C'est une façon pour le réalisateur d'échapper à tout discours politique pré-existant et d'essayer de poser différemment la question du terrorisme.
Dans une facture plus classique, Chus Gutiérrez souligne le drame de l'immigration clandestine et de ces personnes qui se noient et s'échouent sur les plages andalouses. Le retour à Hansala, petit village berbère du Maroc, de Leila, soeur d'un défunt, accompagnée de Martin, l'entrepreneur en pompes funèbres, est l'occasion de créer un décalage, de comprendre le pourquoi et le comment du départ, d'apprécier au passage la richesse et la solidarité de cette communauté en plus de la beauté des paysages.
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Niño balcón, de Pilar Palomero, Prix du Meilleur court-métrage
Thomas Tertois
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