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Les Pyrénées sont une passerelle entre l'Espagne et Toulouse. 
La 12ème édition de Cinespaña se tiendra du 28 septembre au 7 octobre. Films en compétition, panorama, hommage, documentaires, courts métrages, le festival se veut la vitrine du cinéma espagnol. Vida Zabraniecki, présidente du festival, revient sur son histoire et sur cette édition 2007.
Vida Zabraniecki
A l'origine ce festival n'était pas consacré au cinéma espagnol mais à l'histoire. Comment s'est opérée cette transformation ?

C'est vrai, le festival a commencé en 1992 et s'appelait Les Ecrans de l'Histoire. Bernard Durand, son fondateur, professeur d'Histoire, avait dans l'idée de faire du cinéma une passerelle pour parler d'un personnage, d'un événement ou d'une période historique. En 1995, la quatrième édition est dédiée à la Guerre d'Espagne. On diffuse notamment le film de Ken Loach, Land of freedom. Les organisateurs découvrent et diffusent également tout un vivier de réalisateurs espagnols méconnus en France. Devant le succès public (6000 personnes, ndlr), Bernard Durand et son équipe décident d'approfondir le travail entamé et de transformer Les Ecrans de l'Histoire en un festival de cinéma espagnol : Cinespaña. Je suis arrivée à ce moment-là. Bernard Durand m'a contactée parce que j'étais à l'époque inspectrice d'espagnol. Je dois dire que le projet m'a tout de suite emballée. Le cinéma m'intéressait énormément. J'étais d'ailleurs l'une des premières inspectrices à proposer pour l'épreuve du Capes un film plutôt qu'une oeuvre littéraire.

Qu'est-ce qui explique selon vous le succès grandissant qu'a connu le festival ?

On dit, mais je crois que le chiffre est un peu galvaudé, qu'un Toulousain sur quatre a des origines espagnoles. Il est vrai néanmoins qu'historiquement les relations entre Toulouse et l'Espagne sont très fortes. Pour parler de l'histoire contemporaine, Toulouse a été et reste une terre d'accueil de l'immigration espagnole. Il y a eu, dans un premier temps, les réfugiés de la Guerre civile, puis la vague d'immigration économique des années 60. Aujourd'hui, ce sont des étudiants et des travailleurs espagnols diplômés qui perpétuent ce mouvement migratoire. On peut dire que les Pyrénées ne représentent pas une frontière mais une passerelle entre les deux pays. La forte présence espagnole à Toulouse explique donc en partie le succès de notre événement. Nous avons eu jusqu'à 25 000 spectateurs lorsque nous nous sommes élargis au grand ouest en 2003 (Toulouse, Marseille et Lyon). Depuis cette expérience, nous avons décidé de nous cantonner à Toulouse et sa région, pour des raisons techniques mais aussi parce que nos partenaires français et espagnols nous le demandaient. En 2006, nous avons eu 17 000 spectateurs et nous espérons en accueillir autant voire d'avantage cette année.

Venons-en à cette douzième édition: vous avez choisi de rendre hommage, non pas à un réalisateur ou à un acteur, mais à un producteur en la personne d'Elias Querejeta. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?

Le métier de producteur est méconnu du grand public. Son rôle est pourtant essentiel dans la réalisation d'un film. Sans lui, rien ne pourrait se faire. D'autre part, Elias Querejeta est un monument du cinéma espagnol. Il a collaboré avec les plus grands réalisateurs : Carlos Saura , Victor Erice, Manuel Gutiérrez Aragón, Montxo Armendáriz, Gracia Querejeta, sa fille, ou encore Fernando León de Aranoa. Pendant la dictature, il déjouait la censure franquiste. Aujourd'hui, il déniche les réalisateurs de demain. Il ne faut pas rentrer dans les clichés mais il n'est pas le genre producteur/financeur, c'est un producteur engagé qui accompagne les réalisateurs dans leurs projets. La rétrospective que nous proposons permet de brosser un éventail de grands films espagnols auxquels il a participé. Nous projetterons aussi El productor de Fernando Méndez Leite, un documentaire qui retrace sa carrière. Enfin, le public pourra échanger avec Elias Querejeta le 4 octobre à l'Institut Cervantes.

Vous dédiez aussi cette édition aux réalisatrices espagnoles en leur accordant une place importante dans les différentes sections. Pourquoi cette volonté et en quoi le travail de ces réalisatrices diffère de leurs homologues masculins ?

Tout d'abord, nous avons vu cette année un grand nombre de films de qualité tournés par de jeunes réalisatrices. S'il est vrai que le cinéma espagnol a connu des réalisatrices de talent, je pense à Josefina Molina ou Pilar Miro, elles étaient plutôt isolées dans le paysage cinématographique espagnol. Nous voulions en conséquence montrer au public cette prise de position des femmes derrière la caméra. 53 días de invierno de Judith Collel et Atlas de geografía humana d'Azucena Rodriguez seront par exemple en compétition officielle. Pour ce qui est de la façon de filmer, des sujets abordés, etc, je crois que là encore il faut éviter les clichés. Il y a certainement une sensibilité différente mais elle n'est pas toujours évidente à démontrer.


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