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Festival de Biarritz - Edition 2018
Le festival de Biarritz, c’est aussi et avant tout un rendez-vous : on y retrouve des amis de l’an passé, qui n’ont pas pris une ride et avec lesquels on commente allègrement et avec émotion les films que l’on a vus, pas vus, décidé de ne pas voir faute de temps dans ce programme chargé. On rencontre aussi, dans une petite ville qui s’anime une dernière fois avant la basse saison et où les spectateurs arpentent la rue principale arborant leur inconfundible tour de cou bleu auquel est accroché leur abonnement pour cette semaine extraordinaire, un public fidèle ainsi que les membres de l’équipe organisatrice, tous soucieux de proposer une programmation variée mais selon un fil conducteur qui honore chaque année un nouveau pays. En 2017, c’était la Colombie, cette année, l’Uruguay.
On est à peine surpris du palmarès : l’excellent Compañeros, d’Álvaro Brechner a suscité un élan de sympathie en salle dès la première séance, en ouverture du festival, et reçoit donc le prix du public. Le film ne sortira en France qu’en 2019, et il fait déjà l’unanimité : cette noche de doce años est adaptée du roman Memorias del calabozo, de Mauricio Rosencof et Eleuterio Fernández Huidobro, et évoque les années d’une dictature militaire dont on parle trop peu, celle de l’Uruguay. Le point de vue adopté est multiple et fragmenté : trois prisonniers politiques tupamaros, José Mujica, futur président, Mauricio Rosencof et Eleuterio Fernández Huidobro, les deux auteurs du livre, tous contraints de survivre dans des conditions d’emprisonnement relevant d’une torture physique et psychologique. « Mieux vaudrait les exécuter », dit d’ailleurs l’un des médecins après une visite médicale. C’est donc l’illustration d’une résistance à l’œuvre qui fait de ce travail, au-delà de ses qualités techniques, un film réussi, savamment rythmé par un chef d’orchestre ayant déjà l’expérience du long-métrage, notamment dans Mal día para pescar (2009).
Une autre belle surprise, c’est celle de Pájaros de verano. On connaissait déjà le talent de Ciro Guerra, d’ailleurs présent à Biarritz l’an passé, dans L’étreinte du serpent ; cette fois, c’est dans un espace tout différent , celui de la forêt amazonienne, que se déroule l’action de ce film réalisé avec Cristina Gallego : la Guajira, désert du nord-est de la Colombie où des indigènes Wayuu se livrent peu à peu au commerce de marijuana, au péril de leurs traditions et de l’équilibre qui existait entre les familles. Le long-métrage articule l’atmosphère des films de far-west, la tragédie grecque et revêt par moments les traits du documentaire. On ne reste pas insensible à l’engagement politique et esthétique de ce film qui reçoit l’Abrazo du meilleur film.
Et puis il y a les films qui ne payent pas de mine, à première vue, mais qui pourtant, promettent de belles rencontres à venir avec le public français : on pense d’abord à Cómprame un revólver, de Julio Hernández Cordón, que l’on pourrait considérer comme une vengeance du jeune Heli (Heli, Amat Escalante, 2013), dans un film qui adopte le point de vue de l’enfant et évoque la violence à travers le prisme de la métaphore. On retiendra aussi trois films hors-compétition : Mi mejor amigo (Martín Deus, Argentine), Retablo (Álvaro Delgado, Pérou) et le film d’animation Pachamama, de Juan Antin.
Enfin, on ne jouera pas Pierre Bayard en parlant des films que l’on n’a pas vus, mais l’on soulignera l’attention toute particulière apportée au film Deslembro, de la Brésilienne Flávia Castro, et au monument inclassable La Flor, un film de quatorze heures réalisé par Mariano Llinás, notamment scénariste de Santiago Mitre : ils reçoivent respectivement le prix du Syndicat français de la Critique et le prix du jury. Des documentaires, et des courts-métrages sont également primés lors de la cérémonie de clôture, qui offre, comme point d’orgue, une version restaurée de Guantanamera, de Tomás Gutiérrez Alea, qui sortira en France dans quelques jours.
Le dimanche, la ville dégage comme un parfum de nostalgie, et retrouve son calme avec la promesse d’un nouveau rendez-vous l’an prochain.
Audrey Louyer
Du cinéma guerillero La genèse du film est simple. Comme un tricot qu'on reprend de temps à autre juste pour s'éclaircir les esprits, Julio Hernández Cordón (d'origine méso-américaine comme il nous le confie dans notre entretien), veut tourner une histoire sans scénario. Il vient de finir un film et a besoin d'un autre genre d'expérience. Celle... Lire la suite