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Alejandro et Clara emménagent dans un appartement. Alejandro doit partir en Italie pour participer à un congrès. Pendant ce temps, Clara est chargée de défaire les cartons, d'installer les affaires et de poursuivre son travail à l'université. Mais il n'en est rien, très vite elle s'évade, un ailleurs semble la rattraper. Le concret de son appartement, de sa vie de couple avec Alejandro et de son travail ne paraissent plus la rattacher à ce qui ferait sens. Le couple entretient une relation virtuelle, nous assistons à leurs échanges sur Skype. Les décalages s'installent au sein de leur relation. Nous en sommes témoins tandis qu'Alejandro ne les perçoit pas, ce qui favorise le comique de situation. Face à un Alejandro détailliste, amoureux, trop précautionneux, soucieux de la vie à deux, apparaît une Clara lunaire, détachée de tout. Elle lui ment par omission, erre entre deux eaux, peut-être prête à basculer vers autre chose. C'est alors que Clara intègre un groupe de Tai Chi et se laisse embarquer dans un stage de quelques jours pour effectuer une "retraite", loin du monde moderne pollué.
Les contradictions entre son investissement dans son travail universitaire qu'elle délaisse peu à peu et son désir de terminer l'écriture d'une nouvelle la tiraillent de plus en plus. Les paradoxes entre ses cours de Tai Chi pour la purifier et une fête trop alcoolisée renforcent le déchirement du personnage et laissent place à l'humour qui se construit crescendo, au fil de l'épopée de Clara.
Les clichés se bousculent et nous font rire. Le vendeur d'une boutique de produits bio, à la prévenance excessive et à la délicatesse exagérée fait la publicité d'un tas d'articles insoupçonnables autour du mieux être. Il est relégué par la professeur de Tai Chi qui, derrière ses attitudes trop zen et surfaites, semble dans le fond, très rigide et dirigiste. La scène de covoiturage qui amène les participants au stage de Tai Chi à la campagne, nous offre des portraits comiques, toujours inscrits dans le décalage. Le chauffeur, un quinquagénaire engoncé, presque aigri, se met finalement à chanter avec un entrain ridicule sur la musique amérindienne qu'il souhaite faire partager à ses passagers car elle a été composée par son fils, annonce t-il avec fierté. La "retraite" à la campagne sera "vegan" au grand dam de certains des participants qui ne sont préoccupés que par l'accès au wifi. Les repas sont rythmés par des devinettes autour des ingrédients mystères qui composent la soupe, par des discussions sur les nouvelles techniques de désintoxication par la respiration pour fortifier ses énergies ou encore, par les vertus et les propriétés du sel rose de l'Himalaya. Un biologiste marin obsédé par le chant des baleines, n'aura de cesse de le décrire aux autres participants du stage, comme un mouvement des sons qui forme un véritable langage. Les ateliers de yoga et de sophrologie s'enchaînent tandis que le biologiste ne s'arrête plus d'imiter la baleine même quand il se baigne dans la piscine.
Alejandro contacte toujours Clara qui n'hésite plus à inventer des mensonges pour justifier son absence de l'appartement conjugal et les bruits des cris de la baleine imités par le biologiste. Elle en arrive à prétexter être allée au cinéma pour assister à l'adaptation russe de Moby Dick.
Les participants du stage s'appliquent à réaliser des figures de Tai Chi telles "le moine qui ferme les portes du temple et qui embrasse la montagne", d'autres sont obnubilés par le nom de chacune des plantes de la forêt.
Plus le couple communique, plus le décalage entre eux grandit, leurs réalités différentes les éloignent.
Clara est rattrapée par sa nouvelle orientation. Happée par de nouveaux horizons, elle délaisse le travail à l'université, elle ne s'investit pas dans l'appartement, elle se plonge complètement dans l'écriture de son roman. Alejandro n'a pas saisi, il a beaucoup parlé de lui et d'une réalité de couple qui ne semblait finalement pas être réelle ni partagée. Encore un décalage, provoqué ou renforcé par les non dits de Clara.
Cette comédie dépeint des réalités triviales de manière humoristique. Elle nous offre une belle galerie de portraits. Elle a le mérite de tisser et de mettre en lumière les conséquences d'un mécanisme relationnel dans le couple. La boucle est bouclée quand surgit un ultime décalage entre le comique des situations et le déchirement du couple.
Vous pouvez encore voir ce premier film de Florencia PERCIA les 20 et 24 mars prochains à la cinémathèque de Toulouse.
Film vu à l'occasion du Festival Cinélatino, Mars 2018.