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Sergio et Sergei
La « période spéciale en temps de paix » traitée avec humour et poésie.
Après le succès de Chala, une enfance cubaine, Ernesto Daranas revient en compétition officielle aux 30èmes Rencontres Cinélatino. Il nous offre un beau long-métrage de fiction au scénario original, inspiré de faits réels.
En 1991, au moment où l'Union Soviétique s'effondre, le dernier cosmonaute russe, Sergéi (Héctor Noas, vu dans Chala, une enfance cubaine de Daranas en 2014), se trouve à bord de la station Mir. Pendant ce temps, Sergio (Tomás Cao, vu dans Habana Blues de Benito Zambrano en 2005 et dans Chala, une enfance cubaine), professeur de marxisme à La Havane, commence à ressentir les pénuries de la dite « période spéciale » qui plonge l'île dans l'isolement. Les deux hommes se rencontrent par hasard sur les ondes radios et se lient d'amitié. Dès les premières minutes du film, la voix off, celle de Mariana, qui se souvient de son enfance, donne le ton : une comédie douce avec pour toile de fond une période historique difficile traitée avec humour et poésie.
Une esthétique soignée: Ernesto Darana nous plonge dans La Havane délabrée, lumineuse et colorée.
Sergio, sa fille et sa mère vivent au dernier étage d'un vieil immeuble, leur quotidien est marqué par la crise économique, les pénuries alimentaires, les coupures d'électricités et le marché noir mais aussi par l'amour et la solidarité.
La caméra survole La Havane et nous offre une multitude de magnifiques plans aériens sur la ville et ses habitants. La perspective adoptée est sans nul doute un choix très fin qui rappelle l'immensité de la ville, de la terre et de l'espace. Espace dans lequel se trouve justement un autre homme, qui est, comme son prénom le suggère, l'homologue de Sergio version russe : Sergéi.
De la fraternité
Au-delà de la radio, ce qui unit Sergio et Sergéi, c'est tout simplement leur humanité, ils sont tous deux pères de famille vivant dans un contexte historique qui ne leur est pas favorable. Sergio peine à vivre avec son salaire de professeur d'université et son poste est compromis, quant à Sergéi, il est livré à lui même en orbite pendant que l'Union soviétique se désintègre. Néanmoins, la fraîcheur et l'humour, conférés par la dimension du souvenir nostalgique et la solidarité, dominent.
Inspiré d'une histoire vraie
Le scénario est inspiré de l'aventure du cosmonaute russe Sergei Krikalev dont l'histoire a été traitée dans le film documentaire Out of the present par le réalisateur roumain Andrei Ujica, en 1995. Sergéi Krikalev est resté onze mois à bord de la station Mir et est effectivement rentré en contact avec des cubains par le biais de la radio ! Grand bonus pour le film: il est parsemé d'images et de sons d'archives mêlés à des effets spéciaux qui s'intègrent parfaitement dans la fiction.
Une critique sur un ton léger
En fond se dessine une critique réaliste et humoristique du système cubain. Finalement le scénario, qui part d'un fait réel, est absurde. Un cubain, professeur de marxisme, coupé du monde par son système, parvient à communiquer avec un russe qui se trouve dans l'espace et parvient à échapper à la surveillance et aux contrôles auxquels il est soumis. Mario Guerra interprète délicieusement Ramiro, le personnage grotesque qui surveille Sergio. Il nous fait rire tout en incarnant le contrôle extrême et dramatique qu'exerçait le système cubain sur ses citoyens à cette époque.
Un scénario original, un contexte historique intéressant, une anecdote tirée du réel, une dose d'humour, un brin de poésie et beaucoup d'humanité, c'est ce mélange subtil de plusieurs ingrédients qui nous a séduit.
Primé par le public au Festival de la Havane en 2017, le film Sergio & Sergéi a conquis hier soir le public toulousain.
A ne pas manquer le 21 mars à 15H30 à l'ABC.
Film vu à l'occasion des 30èmes Rencontres Cinélatino de Toulouse, 17 mars 2018.
Sortie en salle le 27 Mars 2019.