Le Forum des images, avec son programme 100% Doc Colombie, a pris le parti d'orienter précisément le regard du spectateur : "esquisser une histoire du cinéma documentaire colombien au féminin, des années 60 aux années 2010". Le projet s'annonce des plus intéressants et la période historique balaie trois générations de cinéastes colombiennes qui ont marqué et sont en train de marquer le cinéma en Colombie, qui n'a adopté et mis en place, rappelons-le, sa loi pour le développement du cinéma (Ley del cine), seulement depuis 2003. Petit tour d'horizon de cette belle semaine de toiles colombiennes ! 

Premiers regards féminins

Marta Rodríguez est sans nul doute l'invitée phare du festival. Pionnière, elle a commencé à filmer et à diffuser ses documentaires dès les années 60. Femme engagée, elle a voué son oeuvre à la Colombie, dénonçant les luttes des communautés indigènes (Nuestra voz de tierra, memoria y futuro, 1982), celle des victimes des guerillas (La toma del milenio, 2015) ou bien encore des enfants au travail (Chircales, 1966-1971). Etudiante, elle s'inscrit aux premiers cours de sociologie ouverts en Colombie et suit notamment l'enseignement de Camilo Torres, prêtre et sociologue, puis poursuit ses études en France. Elle prend des cours d'ethnologie à la Sorbonne et assiste, entre autres, au séminaire organisé par Jean Rouch, le célèbre ethnographe, qui deviendra son maître à penser et son ami. Une artiste à ne rater sous aucun prétexte !

Les nouvelles générations 

Au-delà de l'icône, pourrait-on dire, qui a ouvert la voie, de plus en plus de cinéstes colombiennes proposent leur vision de la Colombie. 100% Doc Colombie a choisi de présenter des travaux plus récents et très divers. Les spectateurs pourront voir le dyptique de Catalina Villar autour de la ville de Medellín sur ses migrants et sur les attentes du changement profond de la ville (Cahiers de Medellin, 1998 et La nouvelle Medellin, 2016). L'Histoire du pays sera également esquissée à partir du travail de mémoire (Amnesthésie de Lizette Lemoine, 2015), de la loi pour la restitution des terres (Un asunto de tierras de Patricia Ayala, 2015), ou du processus de paix entamé depuis 2010 sous Juan Manuel Santos (El silencio de los fusiles de Natalia Orozco Rojas, 2016). L'Histoire du pays certes, mais que serait-elle sans prendre en compte les individualités? C'est le parti pris de certaines réalisatrices qui portent un regard tout autre que celui du prisme historique. Certaines filment les relations familiales (Looking for de Andrea Said Camargo, 2012; Amazona de Clare Weiskopf, 2016; Il y aura tout le monde de María Isabel Ospina, 2008; Jérico, l'envol infini des jours de Catalina Mesa, 2016), tandis que d'autres s'attachent aux traditions (La Eterna noche de las doce lunas de Priscila Padilla, 2012; Del palenque de San Basilio d’Erwin Goggel et Esperanza Biohió, 2003 ).

Découvrir et échanger

La force de ce festival est sans nul doute, outre toutes les 20 projections, la possibilité qu'il offre au spectateur de pouvoir échanger avec les réalisatrices. Chaque jour, des cinéastes sont invitées pour présenter puis débattre à la fin des séances avec le public, une manière bien agréable de prolonger la réflexion autour des oeuvres. A ne pas manquer non plus, cette formidable initiative d'une table ronde sur le thème de l'existence, ou non, d'un cinéma colombien au féminin. Bibata Uribe, diplomée en cinéma et spécialisée dans le cinéma colombien, sera la modératrice d'un débat, sans nul doute passioné et passionnant entre trois réalisatrices invitées : Marta Rodríguez, Patricia Ayala et María Isabel Ospina. (Mercredi 1er novembre 2017 à 19h, vidéo à visionner plus bas).

100% Doc Colombie, c'est une fenêtre de plus ouverte sur le cinéma colombien porté par des femmes, depuis la Colombie même ou depuis sa diaspora d'ailleurs, un regard sur l'Histoire du pays, collective, mais aussi individuelle, une mosaïque de choix pour une Colombie connue et moins connue en définitive !

Le programme complet à télécharger : c'est ICI.