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Xiana Yago, diplômée en médecine en 2009, se lance alors dans le monde du cinéma entre l'Allemagne, l'Espagne et l'Amérique latine. En 2012, elle débute le projet d'un documentaire autour de l'avortement et de la violence sexuelle faite aux femmes et en particulier aux jeunes filles en Equateur.
María, jeune médecin espagnole, réalise une enquête sur les grossesses adolescentes dans un hôpital de l'Amazonie équatorienne. Elle découvre peu à peu la réalité des grossesses adolescentes. L'avortement n'est pas autorisé en Equateur mais il est fréquent qu'il soit réalisé illégalement. Elle découvre également une triste réalité : des jeunes filles abandonnées à leur sort par des pères trop jeunes qui n'assument pas ce nouveau et trop rapide statut, mais aussi le fait de grossesses non-désirées, suite à des abus sexuels, bien souvent commis dans le cercle familial.
Le jour se lève doucement sur une petite ville paisible d'Amazonie équatorienne. Une forêt luxuriante entoure le lieu et les oiseaux gazouillent tranquillement... Hôpital Francisco de Orellana : María, médecin, est réveillée par l'alarme de son portable. Elle se lève, s'habille, se lave les mains avec soin, prête à commencer sa journée. Seule une douce musique et le murmure sourd de bruits d'hôpital rythment la scène. Salle d'accouchement : une jeune fille met au monde. Le bébé s'éveille à la vie dans les pleurs ; la jeune mère pleure également, non de joie mais de tristesse... le père ne veut pas de l'enfant. Le mal-être est palpable, le personnel soignant et la médecin tentent de rassurer l'adolescente. Le ton du documentaire est donné : quels drames humains se jouent donc en marge de nombreuses naissances en Equateur?
Le documentaire suit alors María, jouée par l'actrice espagnole María Carnicer : à l'hôpital, auprès de patientes et d'une obstetricienne. Elle enquête sans voyeurisme sur les grossesses adolescentes et rencontre de nombreuses personnes : une enseignante, des familles, un herboriste, et bien sûr les premières concernées, les adolescentes. María s'informe, questionne, creuse parfois, mais ne juge jamais. Elle cherche à savoir, à comprendre. La réalisatrice filme également des moments de vie, parfois heureux, des scènes de la vie quotidienne : répétition de danses traditionnelles, séance de pêche à la rivière qui alimentera la vente nocturne de plats au bord de la route, trajet scolaire de certaines jeunes filles.
Les interviews se déroulent dans différents lieux : à l'hôpital, dans une salle de classe, mais aussi au domicile des familles et des jeunes filles. Chacun se livre avec pudeur face à la caméra. Les histoires sont toutes singulières, chacun avance avec ses doutes, ses peurs, ses limites. Parfois aussi, comme pour mettre plus de distance, laisser le spectateur à sa réflexion face à des sujets complexes et difficiles, Xiana Yago pose sa caméra et filme la scène, tout simplement, sans dialogues, seul compte le quotidien de ces personnes meurtries qui tentent de vivre, d'avancer. Au delà du thème des grossesses adolescentes, un deuxième axe est peu à peu abordé, jusqu'à devenir un sujet de premier plan. On glisse alors vers le problème de l'abus sexuek et de la Justice, de sa difficulté à l'appliquer : par manque de preuves parfois, par peur de représailles aussi, et par la difficulté des procédures à mettre en place.
Une petite heure de documentaire, et pourtant des noms résonneront longtemps en tête : celui de Yanana, cette mère qui élève seule ses trois enfants, ceux d'Euclides ou de Flor, parents isolés de jeunes filles abusées ; mais surtout celui de Mishell, qui a accepté de témoigner devant la caméra : la personne certainement la plus touchante du documentaire, une jeune adolescente qui rêve seulement que justice lui soit enfin rendue...
Documentaire vu dans le cadre de la Semaine du Cinéma équatorien à Paris du 23 au 28 octobre 2017.