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En dix articles et un entretien, les auteurs de cet ouvrage nous éclairent avec finesse sur les dimensions filmique et symbolique de l'oeuvre d'Alejandro Amenábar.
Le cinéma d'Alejandro Amenábar marque un tournant dans le cinéma espagnol, avec l'éclosion, dans les années 90, d'une nouvelle génération de cinéastes qui se détournent des sujets historiques pour embrasser les thématiques de l'individu dans une société atomisée. A cette rénovation thématique, s'ajoute, dans le cas d'Amenábar, une volonté de réconcilier les Espagnols avec leur cinématographie nationale en empruntant une partie des codes du cinéma hollywoodien, sans toutefois renoncer à un cinéma d'auteur. C'est d'ailleurs tout le propos de ces travaux universitaires que de révéler « l'auteur » par une rigoureuse analyse filmique et symbolique des quatre premiers longs-métrages du réalisateur.
Tesis apparaît alors comme une réflexion sur la représentation de la violence dans les médias et une interrogation sur la notion de limite. Faut-il suivre complaisamment les goûts morbides du public? Le cinéaste répond à cette question en réprimant la pulsion scopique (le désir de voir) du spectateur dans un hors-champ fantasmatique. En effet, ni hémoglobine, ni corps décharnés ne seront donnés à voir, seule la suggestion de ces atrocités transparaîtra. Un détournement du thriller, pourtant si avide de ces dispositifs.
Ouvre les Yeux et Les Autres, quant à eux, jouent sur l'illusion ou le trompe-l'oeil, en ce que le spectateur n'a pas de repères pour établir un régime de vérité, les propositions faites par les différentes séquences se contredisant systématiquement entre elles. Le spectateur tangue alternativement entre l'interprétation psychologique (la folie) et l'interprétation surnaturelle sans pouvoir se rattacher à l'une ou à l'autre. C'est que, comme le souligne Aurélie Ledoux, « les personnages d'Amenábar souffrent du syndrome d'Ackroyd. Alors que nous croyons partager leur sort, ils omettent de nous faire part d'un élément décisif qu'ils ne peuvent pourtant ignorer ». Le film consiste alors à accompagner les personnages dans cette révélation et dans l'acceptation de cette réalité (l'apparence dans Ouvre les yeux et l'infanticide dans Les Autres).
Le personnage de Mar Adentro cherche aussi à transcender la réalité sans toutefois la nier. Tétraplégique, c'est son imagination et le rêve qui lui permettent d'assouvir ce que sa condition lui interdit. Dans l'envol de l'imaginaire ou quand Amenábar revisite le mélodrame, Françoise Heitz étudie avec minutie cette scène où le protagoniste se lève, prend son élan, s'envole par la fenêtre afin de rejoindre sa bien aimée et l'enlacer au bord de la plage.
Cet ouvrage passionnant se termine par un long entretien avec le réalisateur, qui revient sur son parcours et sur la genèse de ses films.
Le cinéma d'Alejandro Amenábar, ouvrage collectif dirigé par Nancy Berthier, avec des analyses de Jean-Paul Aubert, Nancy Berthier, Elisa Costa Villaverde, Françoise Heitz, Aurélie Ledoux, Jacques Terrasa, Pascale Thibaudeau. Collection Hespérides Espagne, Presses Universitaires du Mirail, 235 pages, 2007.
Tesis apparaît alors comme une réflexion sur la représentation de la violence dans les médias et une interrogation sur la notion de limite. Faut-il suivre complaisamment les goûts morbides du public? Le cinéaste répond à cette question en réprimant la pulsion scopique (le désir de voir) du spectateur dans un hors-champ fantasmatique. En effet, ni hémoglobine, ni corps décharnés ne seront donnés à voir, seule la suggestion de ces atrocités transparaîtra. Un détournement du thriller, pourtant si avide de ces dispositifs.
Ouvre les Yeux et Les Autres, quant à eux, jouent sur l'illusion ou le trompe-l'oeil, en ce que le spectateur n'a pas de repères pour établir un régime de vérité, les propositions faites par les différentes séquences se contredisant systématiquement entre elles. Le spectateur tangue alternativement entre l'interprétation psychologique (la folie) et l'interprétation surnaturelle sans pouvoir se rattacher à l'une ou à l'autre. C'est que, comme le souligne Aurélie Ledoux, « les personnages d'Amenábar souffrent du syndrome d'Ackroyd. Alors que nous croyons partager leur sort, ils omettent de nous faire part d'un élément décisif qu'ils ne peuvent pourtant ignorer ». Le film consiste alors à accompagner les personnages dans cette révélation et dans l'acceptation de cette réalité (l'apparence dans Ouvre les yeux et l'infanticide dans Les Autres).
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Thomas Tertois
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