Portraits

Alberto García-Alix, la línea de la sombra

Nicolás Combarro est un artiste galicien et a été dix années durant le commissaire d'exposition d'Alberto García-Alix. Dans son documentaire, il brosse un portrait saisissant, intime et poétique du charismatique photographe madrilène dont l'œuvre a reçu le Prix National de Photographie en Espagne (1999) et a été exposée entre autres au Musée Reina Sofía à Madrid (2008).

Alberto García-Alix, naît en 1956 à León et déménage à Madrid avec sa famille alors qu'il n'a que onze ans. C'est à l'aube de la movida madrilène qu'il réalise ses premiers clichés photographiques. Drogues, sexe, punk et rock and roll sont au premier plan dans un décor de misère sociale. Le photographe confie d'ailleurs que c'est dans le laboratoire photo artisanal de son appartement en colocation qu'il fait son premier shoot d'héroïne, avant même de commencer à développer ses clichés.

affiche
Plus qu'un documentaire.

Nicolás Combarro et Alberto García-Alix nous offrent une œuvre d'art vertigineuse tant par sa forme que par son contenu, un véritable dialogue d'artiste à artiste.

Le film s'ouvre sur un gros plan du photographe qui raconte une anecdote : la confidence scabreuse d'une jeune femme inconnue dans un bar. C'est le portrait non réalisé de cette femme qui lui a révélé ses propres limites ainsi que celles de la photographie : il réalise alors, avec douleur, qu'il y aura toujours quelque chose qu'il ne pourra pas attraper et toujours quelque chose qui ne voudra pas être pris. Pourtant tout au long du documentaire, à travers la narration de fragments de vie illustrée par son œuvre, il nous dévoile les parties les plus douloureuses et profondes de son intimité et de celle de personnes ayant croisé sa route.

C'est sur le ton de la confidence et au son de sa voix caverneuse que l'artiste au corps tatoué commence à parler de sa vie particulièrement sombre et étroitement liée au processus de création. Le traitement de l'image ainsi que la bande son sont extrêmement soignés, les gros plans en noir et blanc sur le photographe, dans son atelier madrilène, alternent avec des enchaînements de photographies, des sessions de shooting à Valparaíso (Chili), et des extraits de vidéos artistiques (trilogie Tres videos tristes réalisée par Alberto García-Alix qui unit des photographies et fragments de vidéos avec des textes poétiques du photographe en voix off, réalisées durant son séjour à Paris entre 2003 et 2006).

Au-delà de la connivence avec le travail de García-Alix, le choix du noir et blanc crée un fil conducteur pour la voix et l'espace undergroung. Seules la lumière rouge du laboratoire photographie et la couleur de quelques extraits vidéo rompent en finesse la continuité du noir et blanc. L'œuvre de Alberto García-Alix se fond dans l'œuvre de Nicolás Combarro.

Une photographie... une histoire de vie.

Chaque photographie du madrilène est une histoire portée par un titre percutant : de Autoportrait prix pour la photographie prise le jour où il a reçu le prestigieux Prix National de la Photographie en Espagne, à Défonce à Manille ou encore Mon côté féminin, le photographe se met à nu. Au grès de ses anecdotes et des œuvres portées à l'écran, le spectateur découvre la vie du photographe itinérant, passionné par l'univers de la moto, marqué par la drogue et ses ravages. C'est toute la contradiction de la vie : l'univers underground dans lequel il a évolué est à la fois responsable de son autodestruction et de celle de son entourage mais il en fait une force, il y puise son inspiration artistique, et parvient à le dépasser en le sublimant par la photographie. C'est un homme qui cherche à comprendre le sens de sa vie dans le reflet de son œuvre et qui ne s'en cache pas.

Si la voix éraillée par le temps et la maladie trahissent les excès du photographe, son esprit et son œil semblent encore des plus vifs. L'artiste sublimé par l'œil de Miguel Ángel Delgado et Nicolás Combarro séduit le spectateur par la sincérité de ses propos et la réflexion qu'il mène au sujet de sa propre vie et de sa passion : la photographie.

Pour découvrir le web documentaire interactif composé d'interviews d'amis proches de Alberto García-Alix rendez-vous ici

-En compétition officielle au festival international de cinéma de Saint Sébatien 2017, Espagne

-Prix du meilleur long-métrage doucmentaire Ibéroaméricain au festival international de cinéma de Guadalajara 2017, Méxique.

-En compétition au festival de cinéma espagnol Cinespaña 2018 à Toulouse.

Vu dans le cadre du festival Cinespaña 2018 à Toulouse en présence de Miguel Ángel Delgado, co-producteur et directeur de la photographie du film.

Christelle Ventura

Vidéo


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