Portraits
Josefina Molina ou l'arrivée des femmes dans le cinéma espagnol
Josefina Molina est l'une des seules femmes réalisatrice de cinéma et de télévision des années 70 en Espagne. Auteure d'une pléthore de téléfilms et d'un peu moins de dix longs-métrages, c'est le film de Jean Renoir, Le Fleuve, qui lui donne l'envie de passer du statut de spectatrice à celui de cinéaste. Elle entre à l'Ecole Officielle de Cinéma (EOC) et en 1966 commençe à travailler à la deuxième chaîne de Télévision.
Née à Cordoue en 1936, elle appartient à ce qu'on a appelé la « génération innocente », celle qui n'a pas pris part directement au conflit mais a souffert durant les années de l'après guerre civile, connaissant le rationnement, l'angoisse et la pauvreté. Elle dit dans ses mémoires (Sentada en un rincón, commande de la SEMINCI de Valladolid pour l'hommage qui lui fut rendu en 2000) que l'exemple de sa mère, travaillant activement au magasin familial et élevant ses enfants en même temps, lui a transmis très tôt la conviction qu'une femme pouvait remplir les mêmes tâches qu'un homme. Son féminisme ne s'est jamais démenti par la suite.
Comme tous les Espagnols de l'après-guerre, elle allait souvent au cinéma, qui constituait une sorte de thérapie collective, faisant oublier la tristesse des jours. Ce fut le film de Jean Renoir, Le Fleuve, qui lui donna l'envie de passer du statut de spectatrice à celui de réalisatrice. Elle entra à l'Ecole Officielle de Cinéma (EOC), et en 1966 commença à travailler à la deuxième chaîne de Télévision comme assistante de Claudio Guerín, y voyant un moyen de diffusion de la culture, jusque-là privilège d'un petit nombre de personnes. En 1969, elle fut la première femme à sortir de l'EOC avec le diplôme de mise en scène. Mais les temps étaient durs et l'arrivée au Ministère de l'Information et du Tourisme d'Alfredo Sánchez Bella eut pour effet de renforcer la censure.
Elle réalisa de nombreux programmes pour la télévision (en commençant par l'exercice difficile de l'adaptation de La métamorphose de Kafka). Une version de La rama seca d'Ana María Matute fut sélectionnée pour le festival de télévision de Prague. C'est en 1973 qu'elle put réaliser son premier film pour le grand écran, Vera, un cuento cruel (adaptation d'un conte de Villiers de l'Isle Adam). Elle fit ainsi la connaissance du producteur José Sámano, qui devint un ami fidèle, et eut le plaisir de tourner pour la première fois avec Fernando Fernán Gómez. Ses créations alternent dès lors entre cinéma et Télévision : pour cette dernière, elle réalisa entre autres El camino (d'après Miguel Delibes), Rosaura a las diez (qui n'était pas une adaptation mais un film à sketches très personnel), Teresa de Jesús (1983), avec Concha Velasco (scénario qu'elle élabora en commun avec Carmen Martín Gaite), et Entre naranjos, d'après un roman de Blasco Ibáñez (1997).
C'est Función de noche (1981) qui reste la réalisation la plus originale de Josefina Molina pour le grand écran. Le film est en effet fondé sur la vie réelle des deux acteurs principaux, Lola Herrera et Daniel Dicenta, mariés puis séparés depuis plusieurs années. Ils s'y livraient à une longue discussion sur leur vie commune, discussion qui prenait souvent l'allure d'affrontement. La prouesse technique était une innovation complète puisque la « séquence-mère » (la plus importante) de ce film avait été jouée sans scénario préétabli, avec quatre caméras tournant sans arrêt, cachées derrière les miroirs de la loge, avec micros suspendus, pour que les acteurs n'aient pas à s'interrompre après chaque plan comme dans le tournage d'une œuvre de fiction traditionnelle, et sans avoir l'impression d'être filmés. Cette longue mise au point cathartique avait eu comme origine le fait que Lola jouait au théâtre l'adaptation du roman de Miguel Delibes, Cinco horas con Mario, et que, au fil des représentations, elle s'identifiait de plus en plus au personnage qu'elle interprétait, Carmen Sotillo.
En 1988, Josefina Molina réalisa Esquilache, drame historique, où Fernando Fernán Gómez interprétait Esquilache et Adolfo Marsillach le roi Carlos III, puis en 1990 Lo más natural (avec Charo López et Miguel Bosé), et en 1993 le film musical La Lola se va a los puertos, avec Rocío Jurado et Francisco Rabal. Son œuvre de création ne s'arrête pas là, puisqu'elle a dirigé aussi plusieurs adaptations théâtrales, et depuis 1997, a commencé un travail littéraire : publication des romans Cuestión de azar, En el umbral de la hoguera (1998) et Los papeles de Bécquer (2000).
Comme tous les Espagnols de l'après-guerre, elle allait souvent au cinéma, qui constituait une sorte de thérapie collective, faisant oublier la tristesse des jours. Ce fut le film de Jean Renoir, Le Fleuve, qui lui donna l'envie de passer du statut de spectatrice à celui de réalisatrice. Elle entra à l'Ecole Officielle de Cinéma (EOC), et en 1966 commença à travailler à la deuxième chaîne de Télévision comme assistante de Claudio Guerín, y voyant un moyen de diffusion de la culture, jusque-là privilège d'un petit nombre de personnes. En 1969, elle fut la première femme à sortir de l'EOC avec le diplôme de mise en scène. Mais les temps étaient durs et l'arrivée au Ministère de l'Information et du Tourisme d'Alfredo Sánchez Bella eut pour effet de renforcer la censure.
Elle réalisa de nombreux programmes pour la télévision (en commençant par l'exercice difficile de l'adaptation de La métamorphose de Kafka). Une version de La rama seca d'Ana María Matute fut sélectionnée pour le festival de télévision de Prague. C'est en 1973 qu'elle put réaliser son premier film pour le grand écran, Vera, un cuento cruel (adaptation d'un conte de Villiers de l'Isle Adam). Elle fit ainsi la connaissance du producteur José Sámano, qui devint un ami fidèle, et eut le plaisir de tourner pour la première fois avec Fernando Fernán Gómez. Ses créations alternent dès lors entre cinéma et Télévision : pour cette dernière, elle réalisa entre autres El camino (d'après Miguel Delibes), Rosaura a las diez (qui n'était pas une adaptation mais un film à sketches très personnel), Teresa de Jesús (1983), avec Concha Velasco (scénario qu'elle élabora en commun avec Carmen Martín Gaite), et Entre naranjos, d'après un roman de Blasco Ibáñez (1997).
C'est Función de noche (1981) qui reste la réalisation la plus originale de Josefina Molina pour le grand écran. Le film est en effet fondé sur la vie réelle des deux acteurs principaux, Lola Herrera et Daniel Dicenta, mariés puis séparés depuis plusieurs années. Ils s'y livraient à une longue discussion sur leur vie commune, discussion qui prenait souvent l'allure d'affrontement. La prouesse technique était une innovation complète puisque la « séquence-mère » (la plus importante) de ce film avait été jouée sans scénario préétabli, avec quatre caméras tournant sans arrêt, cachées derrière les miroirs de la loge, avec micros suspendus, pour que les acteurs n'aient pas à s'interrompre après chaque plan comme dans le tournage d'une œuvre de fiction traditionnelle, et sans avoir l'impression d'être filmés. Cette longue mise au point cathartique avait eu comme origine le fait que Lola jouait au théâtre l'adaptation du roman de Miguel Delibes, Cinco horas con Mario, et que, au fil des représentations, elle s'identifiait de plus en plus au personnage qu'elle interprétait, Carmen Sotillo.
En 1988, Josefina Molina réalisa Esquilache, drame historique, où Fernando Fernán Gómez interprétait Esquilache et Adolfo Marsillach le roi Carlos III, puis en 1990 Lo más natural (avec Charo López et Miguel Bosé), et en 1993 le film musical La Lola se va a los puertos, avec Rocío Jurado et Francisco Rabal. Son œuvre de création ne s'arrête pas là, puisqu'elle a dirigé aussi plusieurs adaptations théâtrales, et depuis 1997, a commencé un travail littéraire : publication des romans Cuestión de azar, En el umbral de la hoguera (1998) et Los papeles de Bécquer (2000).
+ d'infos
Filmographie
• La Lola se va a los puertos (1993)
• Lo más natural (1990)
• Esquilache (1989)
• Función de noche (1981)
• Cuentos eróticos (1979)
• Vera, un cuento cruel (1973)
• Lo más natural (1990)
• Esquilache (1989)
• Función de noche (1981)
• Cuentos eróticos (1979)
• Vera, un cuento cruel (1973)
À lire aussi
Dossiers | Le cinéma de femme existe-t-il ?
Dans l'une de ses déclarations, la réalisatrice Iciar Bollain (Ne dis rien, 2003) écartait l’existence d’un cinéma de femme pour affirmer l’unique présence "d’un cinéma interprété par des femmes". Il faut néanmoins reconnaître qu’il y a à peine quelques décennies les femmes n’avaient pas voix au chapitre en matière de réalisation. La situation a... Lire la suite
Dans l'une de ses déclarations, la réalisatrice Iciar Bollain (Ne dis rien, 2003) écartait l’existence d’un cinéma de femme pour affirmer l’unique présence "d’un cinéma interprété par des femmes". Il faut néanmoins reconnaître qu’il y a à peine quelques décennies les femmes n’avaient pas voix au chapitre en matière de réalisation. La situation a... Lire la suite