Portraits

Marisa Paredes, de films en aiguilles

Coudre et en découdre. Voilà résumée l’adolescence de cette fille de concierge élevée près de la Place Santa Ana de Madrid. Tout juste la douzaine, María Luisa gagne ses premières pesetas, après la classe, dans une boutique de mode. Elle y apprend à coudre et grandit avec élégance au milieu de robes et de tailleurs qu’elle portera avec distinction quelques années plus tard.

Marisa Paredes
Lorsqu’elle annonce à ses parents son intention de devenir actrice, sa mère la soutient, son père s’y oppose, ironisant sur la frivolité et la vulgarité du métier d’actrice. Tiraillée, elle décide pourtant d’entrer à l’âge de quinze ans à l’Ecole d’Art Dramatique de la capitale. Viennent alors des années de bohème, de lecture de Camus et de tournées à travers une Espagne liberticide. Jouer rime alors pour elle avec évasion. Des planches et des scènes qu’elle ne quitte plus depuis, elle passe aux plateaux télé et devient la première actrice du petit écran espagnol. Le succès frappe à sa porte. Le 7e art est encore sur le palier…

TALENT AIGUILLE

Si la Madrilène tutoie le cinéma dans les années 60-70 sous la direction de Fernando Fernán Gómez, Jesús Franco, Fernando Trueba ou encore Emilio Martínez Lázaro, c’est avec un premier film osé et violent qu’elle crève l’écran. Tras el cristal (Derrière la vitre, 1985) de Agustí Villaronga lui offre un rôle qui la marque à jamais. Elle surfe alors sur un cinéma qui souffle un vent de liberté sur la société espagnole. C’est l’heure de la Movida et de sa rencontre décisive avec Almodóvar. Aux côtés de Carmen Maura, Rossy de Palma et Victoria Abril, elle devient la "chica" almodovarienne que le monde entier découvre dans Talons aiguilles. Un rôle cousu pour elle par le réalisateur manchego, séduit par cette actrice gracile et élégante. Elle est Becky del Páramo, cette femme aux accents d’excès et de mélodrames, vêtue d’un tailleur Coco Chanel. Quelques années plus tard, Almodóvar la rappelle pour La Fleur de mon secret dans le rôle de Leo, femme fragile et silencieuse. Cette image de star, mélange de beauté distante et de générosité, explique probablement la collaboration avec Almodóvar dans Tout sur ma mère, où Paredes interprète une grande actrice de théâtre dans un effet miroir évident.

TROISIEME VIE

Un talon toujours planté dans la terre ibérique – La Reina anónima, Gonzalo Suárez (1992) ; Tierno verano de lujurias y azoteas, Jaime Chavarrí (1993) – l’actrice répond aux sirènes du cinéma étranger. Les années 90 sont pour elle celles des collaborations avec Roberto Begnini (La Vie est belle, 1997), Arturo Ripstein (Pas de lettre pour le colonel, 1999) ou Raoul Ruiz (Trois vies et une seule mort, 1995). L’hexagone accueille également la diva : Philippe Lioret lui offre pour son premier long-métrage un rôle aux côtés de Jean Rochefort dans Tombés du ciel en 1993.

Ce sens du challenge se confirme lorsqu’elle partage avec Unax Ugalde l’affiche du terrifiant et glaçant Frío sol de invierno d’un déjà très prometteur Pablo Malo, récompensé d’un Goya pour cet opera prima. De même pour un autre premier long, le radical Salvajes de Carlos Molinero, dans lequel Marisa Paredes incarne en 2001 cette infirmière mêlée au meurtre d’un immigré à Valence. Tout aussi sauvage enfin, L’Echine du diable, du Mexicain Guillermo del Toro, associe de nouveau l’actrice au cinéma de genre. Caméléon, Marisa Paredes endosse à cette époque, et pendant trois années, la présidence de l’Académie du Cinéma espagnol. Depuis lors, de nouvelles aventures l’amènent devant la caméra de Manoel de Oliveira (Miroir magique) et sur les tournages des projets français de Laure Carpentier (Gigola) et Thierry Klifa (Les Yeux de sa mère).

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Filmographie
 
Les lignes de Wellington, de Raoul Ruiz et Valeria Sarmiento (2012)
Les yeux de sa mère, de Thierry Klifa (2011)
La piel que habito, de Pedro Almodóvar (2011)
Gigola, de Laure Charpentier (2010)
Reinas, de Manuel Gómez Pereira (2005)
O espelho mágico, de Manoel de Oliveira (2005)
Frío sol de invierno, de Pablo Malo (2004)
Dans le rouge du couchant, d'Edgardo Cozarinsky (2003)
Una preciosa puesta de sol, d'Álvaro del Amo (2003)
Parle avec elle, de Pedro Almodóvar (2002)
L'Échine du diable, de Guillermo del Toro (2001)
Afrodita, el sabor del amor, de Fernando E. Solanas (2001)
Salvajes, de Carlos Molinero (2001)
Tout sur ma mère, de Pedro Almodóvar (1999)
Pas de lettre pour le colonel, d'Arturo Ripstein (1999)
La vie est belle, de Roberto Benigni (1997)
Carmin profond, d'Arturo Ripstein (1996)
Trois vies et une seule mort, de Raoul Ruiz (1996)
La fleur de mon secret, de Pedro Almodóvar (1995)
Tombés du ciel, de Philippe Lioret (1993)
Golem, l'esprit de l'exil, d'Amos Gitaï (1992)
Talons aiguilles, de Pedro Almodóvar (1991)
Tras el cristal, d'Agustí Villaronga (1987)
Tata mía, de José Luis Borau (1986)
Las bicicletas son para el verano, de Jaime Chávarri (1984)
Dans les ténèbres, de Pedro Almodóvar (1983)
Ópera prima, de Fernando Trueba (1980)
El Perro, d'Antonio Isasi-Isasmendi (1976)
Carola de día, Carola de noche, de Jaime de Armiñán (1969)
El mundo sigue, de Fernando Fernán Gómez (1965)
L'horrible Docteur Orlof, de Jesús Franco (1962)
 

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