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L’humour est un catalyseur des malheurs humains 
A l'occasion du festival Cinespaña, Cinespagne.com a rencontré l'humoriste et tout jeune acteur José Mota, qui incarne le personnage principal du nouveau long-métrage d'Alex de la Iglesia, Un jour de chance. Entre humour et drame, le dernier film du réalisateur de Balada triste ou du Crime farpait revient sur la situation économique actuelle en Espagne en suivant l'histoire de Roberto, un cadre au chômage : après une brillante carrière de publicitaire, il est obligé de solliciter ses amis pour obtenir un nouvel emploi. Mais avant de pouvoir décrocher un poste, il est victime d'un accident et se retrouve littéralement cloué au sol dans un musée en construction : l'occasion pour lui de remédier enfin à la situation économique catastrophique de sa famille...
José Mota - Un jour de chance
Drame, tragicomédie, comédie pure à certains moments... Un jour de chance est un film inclassable, dans lequel l'humour joue un rôle essentiel : en quoi ce vecteur vous semble-t-il important?

A mes yeux, l'humour constitue un catalyseur des malheurs humains : c'est en jouant sur l'humour que les films éveillent l'émotion et font réagir les spectateurs en les conduisant au drame, voire parfois à la tragédie. Dans Un jour de chance, le rire procède de la noirceur de l'intrigue, de son caractère profondément dramatique, et signe donc sa valeur émotionnelle : de ce point de vue, la scène où Roberto passe son dernier entretien avec son prétendu ami est, ce me semble, une belle illustration du pouvoir de la comédie comme vecteur d'émotion. Elle est porteuse d'une intensité dramatique essentielle, puisque Roberto constate que personne ne veut lui proposer un poste dans son entreprise, mais on ne peut pourtant que sourire devant toutes les péripéties cocasses qu'il traverse avant d'en prendre conscience. Le rire a définitivement un rôle essentiel à jouer dans le cinéma.

Ce sont donc l'écriture et le scénario qui vous ont motivé à accepter le rôle de Roberto?

Le projet que m'a soumis Alex était tellement passionnant que je n'ai pas hésité bien longtemps à lui répondre! [rires] A travers ce long-métrage, j'avais l'opportunité de me faire porte-parole de ces millions de personnes qui souffrent actuellement du chômage en Espagne. Je fais partie des quelques privilégiés qui ont la chance d'avoir un travail : Un jour de chance était un moyen de m'impliquer pleinement dans cette lutte en incarnant un personnage qui souffre directement du chômage. En réalité, ce film a été l'occasion d'une véritable introspection pour moi, doublé d'un acte militant contre ce fléau qui est en train de détruire le quotidien de millions d'Espagnols.

Au-delà du problème du chômage, Un jour de chance offre également une belle réflexion sur la dignité dans notre société actuelle...

Il faut dire que c'est une des conséquences sous-jacentes du chômage : au-delà de l'impact purement financier, le sentiment de ne plus être utile, de ne plus pouvoir se réaliser professionnellement, ainsi que la sensation d'avoir perdu sa dignité, sont souvent les effets les plus douloureux quand on perd son emploi. Roberto souffre de tout cela à la fois : il est rejeté par ses propres amis qui refusent de lui offrir un travail et doit en même temps sauver sa propre famille de la ruine économique. L'accident dans le musée le rend pragmatique : il perçoit clairement qu'il doit choisir entre sa dignité et les opportunités multiples qui s'offrent à lui, maintenant qu'il est cloué au sol avec une barre de fer dans la tête. Il décide alors de vendre son âme aux médias qui l'entourent et se jette dans cet immense cirque médiatique qui s'est peu à peu créé autour de lui, car c'est la seule solution dont il dispose pour sauver la dignité de sa famille.

un jour de chance 1Justement, la barre qu'a Roberto dans la tête est hautement symbolique. Que représente-t-elle pour vous?

Cette barre illustre la passivité qui touche de plus en plus notre société. On se trouve actuellement dans un monde où les comportements sont prédéterminés d'une façon ou d'une autre : tout cela procède de l'endormissement global des citoyens. Au contraire, agir à contresens peut avoir des conséquences dramatiques et c'est ce qu'illustre la situation de Roberto. Un jour de chance montre qu'il faut réagir contre cette passivité avant qu'il ne soit trop tard.

C'est un rôle difficile qui vous a été confié, notamment pour des raisons pratiques : n'était-ce pas difficile de véhiculer des émotions en restant continuellement dans la même position?

Effectivement, le seul moyen de véhiculer des émotions était de le faire par le biais du regard : c'était un véritable défi que j'ai particulièrement aimé relever en compagnie d'Alex de la Iglesia et de Salma Hayek qui incarne mon épouse à l'écran, Luisa. Les conditions du tournage ont également été assez éprouvantes dans la mesure où je devais rester pendant des heures allongé, la tête en l'air, et dans un froid glacial! Heureusement, j'avais plusieurs couches de vêtements, et l'équipe avait installé des chauffages sous la scène pour me permettre de me réchauffer entre les scènes. Quoi qu'il en soit, le plus dur a définitivement été de me résigner à terminer le tournage du film! [rires]

Julie Thoin-Bousquié

Vidéo

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