Interviews
Ils nous laissèrent le mort un samedi à midi.
La Caja, le premier long-métrage de Juan Carlos Falcón, a reçu l'année passée la Violette d'Or du Meilleur Film au Festival Cinespaña de Toulouse. C'est une très bonne comédie noire qui oscille entre le cinéma d'Almodovar et celui d'Alex de la Iglesia. Nous avions à l'époque interviewé le réalisateur en espérant une sortie prochaine en France du film. Lassés d'attendre, nous avons décidé de diffuser cette entrevue en espérant vous donner l'envie de découvrir ce film (disponible en dvd en Espagne).
Quelle est votre trajectoire en tant que cinéphile et cinéaste?
Je ne me suis jamais considéré comme cinéphile. Quand j'étais petit, je n'étais pas de ces enfants qui vont tous les week-end au cinéma du quartier ou qui lisent et savent tout du cinéma. J'étais cependant un enfant plein d'imagination qui aimait raconter des histoires. Plus tard, je me suis rendu compte qu'il existait un métier, celui de réalisateur, qui consistait justement à cela. Je n'ai pas de réalisateurs ou de films fétiches, j'aime beaucoup de films et de cinéastes différents. Ce que je vois de Buñuel, de Cocteau, de Greenaway, d'Orson Welles et de bien d'autres sont des sources d'inspiration diverses dans lesquelles je vais puiser pour mener à bien mes projets. Dans la cinématographie espagnole, j'aime particulièrement le cinéma de Berlanga, qui me semble être très intelligent dans sa manière de délivrer des messages par la comédie. Je crois qu'il a su saisir de façon sarcastique une période de l'Espagne. Buñuel est aussi pour moi une référence. Aujourd'hui, j'apprécie le travail d'Almodovar, d'Amenábar et de certains jeunes réalisateurs comme Juan Antonio Bayona qui émergent progressivement du lot.
Ma trajectoire est classique, c'est celle du court-métrage. La Caja est mon premier long-métrage. J'ai étudié à l'université la communication, mais je ne me voyais pas travailler dans ce secteur. Je me suis donc inscrit à des cours et des ateliers cinématographiques de réalisation, d'écriture de scénario, de production, et j'ai commencé à faire des courts-métrages, ce qui est la meilleure école.
Le film s'inspire du roman de Víctor Ramírez, Nos Dejaron el muerto: pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à faire cette adaptation?
En réalité, le film n'est pas une adaptation. Le livre est très ouvert, très dispersé, avec énormément de personnages. Je me suis centré sur une anecdote du personnage principal, l'enfant, qui se souvient que sa mère avait gardé un mort le temps d'un week-end. Dans le roman, l'enfant raconte comment il a vécu cette situation. C'est pourquoi dans le film je lui ai donné ce rôle d'observateur, celui qui voit tout mais ne dit rien. La première phrase du roman commence ainsi : « Ils nous laissèrent le mort un samedi à midi ». Le propos m'a semblé tellement cinématographique et visuel qu'il m'a poussé à écrire et réaliser La Caja. A partir de cette trame, j'ai imaginé d'autres situations avec de nouveaux personnages.
Le film est très sarcastique et morbide, on retrouve une ambiance à la Ettore Scola dans Affreux, sales et méchants ou à la Saura dans Mamá cumple cien años. Expliquez-nous cette volonté de donner ces tonalités à votre film.
Dès la phase du scénario, j'avais dans la tête de n'écrire ni un drame, ni une comédie. Je ne souhaitais pas faire un film sombre et trop dramatique. Mais je ne voulais pas non plus en faire une pure comédie légère. Le film navigue donc sans cesse entre ces deux univers. Les situations comiques sont chargées de leur part tragique et inversement. Ces ressorts de la comédie noire étaient pour moi les meilleurs outils pour décrire cette famille. Ils permettent de véhiculer en second plan un message social et politique, d'être le reflet d'une époque révolue de l'Espagne. J'ai d'ailleurs traité la question de la lumière de la même manière. Malgré le drame que vit cette famille, ces gens vivent dans un village de pêcheurs au bord de la mer. Il me fallait donc de la lumière, une sensation de chaleur et des couleurs vives. Ce qui ne m'a pas empêché de jouer avec le clair et l'obscur pour donner du relief.
Votre film, à l'instar de beaucoup de films espagnols, est une histoire de femmes. Elles sont omniprésentes et l'homme apparaît au second plan. Qu'est-ce qui selon vous explique cette tendance du cinéma espagnol?
Il est vrai que dans un bon nombre de films espagnols, la femme joue un rôle de premier plan. Cela peut s'expliquer par le fait que les sociétés latines, dont celle des Canaries à laquelle j'appartiens, sont finalement très matriarcales. La femme a un poids énorme au sein de la famille et de la société. Bien évidemment, cette influence n'est pas visible dans l'espace public. C'est l'homme qui en apparence est le maître de famille. Dans la réalité, c'est la femme qui gère le quotidien, prend des décisions et qui dans de nombreux cas dégage une plus grande force que l'homme. Elle a aussi une propension importante à souffrir dans l'ombre pour ne pas porter préjudice à sa famille et garder une bonne réputation vis à vis de l'extérieur. Pour La Caja, j'avais besoin des femmes pour raconter l'histoire de ce mort. Ce sont elles qui donnent les clés essentielles pour connaître cet homme. Elles montrent aussi, elles qui sont habituées à se taire, leur courage et leur volonté quand la situation leur permet de se venger et de laver d'une certaine façon leur honneur.
Je ne me suis jamais considéré comme cinéphile. Quand j'étais petit, je n'étais pas de ces enfants qui vont tous les week-end au cinéma du quartier ou qui lisent et savent tout du cinéma. J'étais cependant un enfant plein d'imagination qui aimait raconter des histoires. Plus tard, je me suis rendu compte qu'il existait un métier, celui de réalisateur, qui consistait justement à cela. Je n'ai pas de réalisateurs ou de films fétiches, j'aime beaucoup de films et de cinéastes différents. Ce que je vois de Buñuel, de Cocteau, de Greenaway, d'Orson Welles et de bien d'autres sont des sources d'inspiration diverses dans lesquelles je vais puiser pour mener à bien mes projets. Dans la cinématographie espagnole, j'aime particulièrement le cinéma de Berlanga, qui me semble être très intelligent dans sa manière de délivrer des messages par la comédie. Je crois qu'il a su saisir de façon sarcastique une période de l'Espagne. Buñuel est aussi pour moi une référence. Aujourd'hui, j'apprécie le travail d'Almodovar, d'Amenábar et de certains jeunes réalisateurs comme Juan Antonio Bayona qui émergent progressivement du lot.
Ma trajectoire est classique, c'est celle du court-métrage. La Caja est mon premier long-métrage. J'ai étudié à l'université la communication, mais je ne me voyais pas travailler dans ce secteur. Je me suis donc inscrit à des cours et des ateliers cinématographiques de réalisation, d'écriture de scénario, de production, et j'ai commencé à faire des courts-métrages, ce qui est la meilleure école.
Le film s'inspire du roman de Víctor Ramírez, Nos Dejaron el muerto: pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à faire cette adaptation?
En réalité, le film n'est pas une adaptation. Le livre est très ouvert, très dispersé, avec énormément de personnages. Je me suis centré sur une anecdote du personnage principal, l'enfant, qui se souvient que sa mère avait gardé un mort le temps d'un week-end. Dans le roman, l'enfant raconte comment il a vécu cette situation. C'est pourquoi dans le film je lui ai donné ce rôle d'observateur, celui qui voit tout mais ne dit rien. La première phrase du roman commence ainsi : « Ils nous laissèrent le mort un samedi à midi ». Le propos m'a semblé tellement cinématographique et visuel qu'il m'a poussé à écrire et réaliser La Caja. A partir de cette trame, j'ai imaginé d'autres situations avec de nouveaux personnages.
Le film est très sarcastique et morbide, on retrouve une ambiance à la Ettore Scola dans Affreux, sales et méchants ou à la Saura dans Mamá cumple cien años. Expliquez-nous cette volonté de donner ces tonalités à votre film.
Dès la phase du scénario, j'avais dans la tête de n'écrire ni un drame, ni une comédie. Je ne souhaitais pas faire un film sombre et trop dramatique. Mais je ne voulais pas non plus en faire une pure comédie légère. Le film navigue donc sans cesse entre ces deux univers. Les situations comiques sont chargées de leur part tragique et inversement. Ces ressorts de la comédie noire étaient pour moi les meilleurs outils pour décrire cette famille. Ils permettent de véhiculer en second plan un message social et politique, d'être le reflet d'une époque révolue de l'Espagne. J'ai d'ailleurs traité la question de la lumière de la même manière. Malgré le drame que vit cette famille, ces gens vivent dans un village de pêcheurs au bord de la mer. Il me fallait donc de la lumière, une sensation de chaleur et des couleurs vives. Ce qui ne m'a pas empêché de jouer avec le clair et l'obscur pour donner du relief.
Votre film, à l'instar de beaucoup de films espagnols, est une histoire de femmes. Elles sont omniprésentes et l'homme apparaît au second plan. Qu'est-ce qui selon vous explique cette tendance du cinéma espagnol?
Il est vrai que dans un bon nombre de films espagnols, la femme joue un rôle de premier plan. Cela peut s'expliquer par le fait que les sociétés latines, dont celle des Canaries à laquelle j'appartiens, sont finalement très matriarcales. La femme a un poids énorme au sein de la famille et de la société. Bien évidemment, cette influence n'est pas visible dans l'espace public. C'est l'homme qui en apparence est le maître de famille. Dans la réalité, c'est la femme qui gère le quotidien, prend des décisions et qui dans de nombreux cas dégage une plus grande force que l'homme. Elle a aussi une propension importante à souffrir dans l'ombre pour ne pas porter préjudice à sa famille et garder une bonne réputation vis à vis de l'extérieur. Pour La Caja, j'avais besoin des femmes pour raconter l'histoire de ce mort. Ce sont elles qui donnent les clés essentielles pour connaître cet homme. Elles montrent aussi, elles qui sont habituées à se taire, leur courage et leur volonté quand la situation leur permet de se venger et de laver d'une certaine façon leur honneur.