Films
Les films offrant un témoignage sur la Guerre civile sont nombreux, mais aucun n’avait abordé la situation des « topos », ces hommes forcés de se cacher pendant plus de trente ans dans leur propre maison en attendant que la guerre se termine ou que la situation politique leur permette de sortir sans risquer leur vie. Ici, les personnages principaux ne sont pas les combattants, mais bel et bien les résistants invisibles. Le trio de réalisateurs Jon Garaño, Aitor Arregi et José Mari Goenaga, déjà acclamés pour leur film Loreak abordent le thème de façon magistrale. Le film alterne les actions et les temporalités pour représenter la situation de cet homme qui ne peut voir la lumière du jour et qui devient non plus acteur, mais spectateur de sa propre vie.
La prise de risque est totale : tout d’abord, cette première scène, filmée caméra au poing, où Higinio est fait prisonnier, où il parvient à fuir puis à revenir chez lui, par miracle, alors que tout le village veut sa peau. Ensuite, le confinement à l’ombre de sa maison, dans un trou creusé sous le sol de sa propre cuisine, puis dans la double paroi de la demeure où sa femme décide finalement d’élire domicile. La vie continue, dans le mensonge et dans la dissimulation ; le spectateur vit au rythme de cet homme qui prend de l’âge en regrettant de ne pas voir la lumière du jour. Le temps passe ainsi, inéluctable. Comment le montrer à l’écran ? Classiquement, par des changements dans le physique des protagonistes et par des journaux évoquant les faits marquants des années qui s’écoulent. Le temps qui passe, oui, trop vite souvent, de manière maladroite parfois. Le film est beaucoup plus habile, beaucoup plus intéressant, lorsqu’il prend le parti d’évoquer l’histoire par le hors champ : l’important n’est pas ce que l’on peut voir, mais bel et bien ce qui est construit par le cerveau à travers les images perçues par un trou percé dans le mur, occulté derrière un faux tableau, ou encore à travers les voilages d’une fenêtre donnant sur la rue. Si près, et pourtant si loin de la vie : toute l’ambivalence du film se retrouve dans cet équilibre difficile, paradoxal et totalement réussi.
Contrairement à d’autres films sur la guerre d’Espagne, comme Lettre à Franco, la dernière réalisation d’Alejandro Amenábar, le contexte politique est certes évoqué, mais il ne représente pas le thème central : en effet, le plus important reste la relation entretenue par le couple protagoniste. Celui-ci est le point fort du film : Antonio de la Torre et Belén Cuesta sont épatants dans leurs rôles. Le film se transforme en une histoire de résistance cachée, de solitude, de peur ; il est aussi la preuve que la vie peut continuer, malgré tout. Les éléments d’arrière plan sont tout aussi importants que l’histoire principale : le spectateur doit notamment saisir les conciliations faites avec le régime afin de survivre. Ce même régime dictatorial qui résonne totalement avec la vie clandestine des deux personnages principaux : le temps lourd, qui passe, qui marque le couple au fer rouge. La relation qui devient de plus en plus insupportable, qui finit par éclater devant la lumière blanche, aveuglante, que découvre enfin Higinio après trente années passées dans l’ombre. Comme l’épanchement d’une blessure invisible d’un conflit qui n’a pas totalement disparu aujourd’hui. Un film passionnant et palpitant à découvrir absolument !
En avant-première au Festival Reflets de Villeurbanne (Septembre '20)
Sortie en salles le 28 octobre '20
Aurore Kusy
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