Entre distance et intimité

Le jeune réalisateur semble prendre le parti de brouiller les frontières entre la réalité et la fiction en mettant en scène un jeune couple à l'écran comme à la ville, Maria Rodriguez Soto et David Verdaguer, [acteur déjà présent dans les deux films cités plus haut]. Si le film nous touche tant c'est sans doute par son effet de réalisme. Maria Rodríguez Soto était réellement enceinte au moment du tournage. Nous voilà, nous spectateurs, observant et partageant la grossesse d'une jeune femme. Le changement de nom des acteurs qui deviennent Vir et Lluís devant la caméra ne suffit pas à abolir l'impression que nous avons de nous immiscer dans la vie intime de ce couple et de partager les émotions qu'ils éprouvent.

De nombreuses scènes sont tournées en plans rapprochés et à l'intérieur de l'appartement qui devient le théâtre de cette délicate comédie conjugale. Certaines séquences laissent néanmoins entrevoir un monde extérieur qui interfère sur l'histoire personnelle. En trame de fond l'univers laboral semble s'opposer à l'univers familial et intime, tout comme la question du logement qui taraude les personnages.

Filmer le temps qui passe

Els dies que vindran, justement nommé, est également un film où se pose incessamment la question du temps. Temps présent, rythmé par la succession de moments qui sont autant d'événements, de petites secousses, qui viennent bouleverser la vie du couple et qui s'accompagnent d'un cortège d'émotions variées. Appréhension et surprise lors de l'attente des résultats du test de grossesse, joie lors de l'annonce à la famille, chamailleries et amusements au moment du choix d'un prénom ou discussions plus tendues au sujet de la future école. Temps futur que l'on imagine, porteur d'espoir mais aussi de craintes et de doutes. Temps passé qui s'efface ou ressurgit, l'arrivée de l'enfant étant vécu par les personnages comme un tournant de leur vie. Lorsque Vir visionne une cassette offerte par sa mère qui contient des images de la propre naissance de l'actrice c'est l'idée de transmission qui est introduite, une sorte de continuité entre les générations, la fille devenant mère à son tour. Tous ces moments donnent souvent lieu à des dialogues au cours desquels surgissent l'expression de l'appréhension, de l'espoir, de la joie et de la peur face à l'avenir et où se pose jusqu'à un questionnement sur la manière d'être au monde.

La grande réussite du film est peut-être d'arriver à transmettre l'oscillation d'une relation entre deux êtres à la fois unis et divisés face à cet événement qui les lie. Chacun semble parfois vivre seul, enfermé dans son corps et ses pensées. Malgré la beauté et la tendresse des relations entretenues par les personnages, la fin, forcément ouverte, laisse une impression douce-amère.

Film vu à l'occasion du festival Different ! 12 - L'autre cinéma espagnol au Majestic Passy, Paris, le jeudi 20 juin 2019.