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Jaulas

25 Juin 2019
C'est un beau premier long-métrage qui nous est proposé par Nicolás Pacheco, le réalisateur de Jaulas (2018). Le jeune réalisateur a tourné dans la province de Séville et présente une tranche de vie d'une famille modeste qui vit dans une sorte de bidonville, entourée d'autres familles gitanes.
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"Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas s'échapper, c'est qu'ils ne le peuvent pas !"

Canario, le père, exploite et maltraite Antoñito, son beau-frère handicapé, lequel imite à la perfection le chant des canaris lors de paris entre habitants du village. On comprend rapidement que les gains générés par les victoires d'Antoñito dans ses duels d'imitation des chants d'oiseaux contribuent à faire vivre le reste de la famille dont l'existence semble assez "oisive".

L'arrivée d'un jeune Roumain prénommé Vasile fera basculer l'existence morne et routinière de la famille de Canario. Une nuit, exténuée par la violence de son mari, Concha s'enfuit avec sa fille Adela, une adolescente éprise de liberté et amoureuse de Vasile. Avant de faire route vers la France, Concha s'arrête chez sa sœur, Rosa, qu'elle n'a pas vue depuis plus de vingt ans. Cette dernière vient de perdre son mari et tient un bar dans un quartier populaire d'une ville andalouse.

Les vies des uns et des autres se croisent et se mêlent dans ce drame empreint de poésie, dans lequel on peut passer du road-movie à des scènes de vie quotidienne et de la comédie à la tragédie. La lumière de la campagne andalouse, les chants des oiseaux le jour et ceux des grillons la nuit, tout comme la musique de Pablo Cervantes, nous plongent dans une ambiance légère qui contraste avec les épreuves vécues par certains personnages. Les plans d'ensemble, remarquablement filmés, en particulier dans la nature, sont lumineux et permettent d'entrer dans l'univers de ce film aux tons multiples.

Les acteurs sont très justes, notamment Estefanía de los Santos qui joue avec beaucoup de vivacité le rôle de Concha, une mère prête à tout pour que sa fille puisse enfin avoir une vie heureuse et libre. La jeune Marta Gavilán dans le rôle d'Adela est d'ailleurs très convaincante dans son interprétation, que ce soit dans les situations dramatiques ou plus légères. On peut d'ailleurs penser que son prénom n'a pas été choisi au hasard car il est une référence lorquienne à une autre jeune femme avide de liberté, la fille cadette de la pièce dramatique La casa de Bernarda Alba.

Enfin, le regard captivant de Belén Ponce de León (Rosa) inspire la compassion pour cette femme en souffrance qui lutte pour avoir une existence digne malgré les malheurs de la vie. Le retour soudain de cette famille qu'elle avait perdue depuis une vingtaine d'années l'émeut et la perturbe à la fois car cela remue en elle de nombreux souvenirs. Pourtant, il est impossible de revenir en arrière pour revivre autrement toutes ces années passées loin de ceux qu'elle aimait, d'aller contre tout ce temps perdu et gâché à cause d'un choix fait par sa petite sœur.

La métaphore de l'être humain emprisonné dans son existence car il ne peut s'échapper de sa cage est matérialisée tout au long du film par la présence des cages à oiseaux dans plusieurs lieux de l'action, du bidonville au bar de Rosa. Cela invite à une réflexion sur l'existence de l'homme et surtout de la femme, sur le besoin de celle-ci de revendiquer son indépendance en se libérant de ses entraves.

En effet, les personnages féminins sont au centre de l'histoire avec leurs doutes, leurs échecs et leurs espoirs. Nicolás Pacheco met en valeur leur envie de vivre, voire même de survivre envers et contre tout. D'ailleurs, si le frère de Rosa et de Concha s'habille en femme dès qu'il le peut, c'est en quelque sorte pour revendiquer son droit d'exister comme il l'entend. Et ce doux chant du canari, réel ou imité par les humains, est comme un appel à la liberté que l'on entend tout au long du film.

On ne saurait trop vous conseiller d'aller voir Jaulas, de vous laisser porter par l'ambiance envoûtante de ce film original qui met en scène des personnages issus de milieux modestes, généralement peu représentés à l'écran.

Marion Coriou Guyot

Film vu à l'occasion du 12ème festival Different ! - L'autre cinéma espagnol, au Majestic Passy, à Paris le mardi 25 juin 2019.

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