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Algo Quema de Mauricio Ovando
C’est il y a une dizaine d’années, à l’occasion d’un hommage familial pour son oncle, mort dans un accident d’avion que Mauricio Ovando a réalisé qu’il y avait un sujet douloureux et non résolu au sein de sa famille. Le cinéaste se mit alors à chercher de façon obsessive des informations, des images sur son grand-père, des archives familiales mais aussi institutionnelles, officielles, médiatiques parmi lesquelles certaines accusent Alfredo Ovando de crime d’Etat.
Si la réalisation du film a pris tant de temps, ce n’est pas pour des questions logistiques ou économiques mais à cause de la difficulté et de la peur de la confrontation avec des images et des informations qui sont difficiles à entendre.Le documentaire s’ouvre sur des images d’archives des funérailles nationales d’Alfredo Ovando, commandant des forces militaires boliviennes et président de la République de Bolivie entre 1964 et 1970.
Le spectateur s’immisce dans la vie privée de la famille Ovando et découvre ce qu’il reste des bandes de films d’archives privées donnant à voir des vacances, des balades en bateau sur le lac Titicaca ou encore des repas de famille. En voix off les commentaires spontanés du réalisateur et d’une autre personne nous éclairent sur l’identité des différentes personnes qui apparaissent à l’écran; dans la salle obscure le spectateur se retrouve témoin d’une scène qui ne le touche pas émotionnellement mais peut très facilement s’identifier.
Progressivement s’intercalent des images d’archives officielles, médiatiques mais aussi des témoignages de différents membres de la famille en particulier de la femme et de la fille d’Alfredo Ovando. Un personnage énigmatique et complexe se dessine entre mari aimant, pacifiste et supposé responsable de violences militaires à l’encontre de mineurs en grève, ou commandant des forces militaires qui exécutèrent le Che Guevara le 9 octobre 1967.
Une vision kaléidoscopique d’un même personnage se déploie, celle à laquelle est confronté le réalisateur, Mauricio Alfredo Ovando, le petit-fils de l’ancien président bolivien, qui en plus de partager le nom et le prénom de son grand-père porte un lourd héritage.
Plus qu’un film documentaire, Mauricio Alfredo Ovando réalise une catharsis personnelle et se livre intimement au public. A la frontière entre histoire et mémoire la perspective adoptée reste plus émotionnelle qu’historique.
Parce que le film invite au débat, pose la question des tabous familiaux, du poids intergénérationnel, questionne la construction des grandes personnalités par le biais de l’image privée et publique, et parce qu’il donne à voir une autre perspective, Algo quema est un documentaire intéressant et qui ne laisse pas indifférent.
Film vu dans le cadre du festival Cinelatino de Toulouse en Mars '19.