Interviews
Fernando León de Aranoa: Oui, c'est une grande responsabilité, dans une catégorie importante du festival, en plus. J'aime beaucoup observer comment un groupe de mille spectateurs vit le film, comment il suit ce conte. Lorsque l'on parle de personnages, comme dans mon film, les histoires sont universelles. Ici, on montre un conflit récent de l'histoire européenne et un groupe de travailleurs humanitaires qui viennent tous d'un endroit différent. Cet aspect est réel et contribue à faire du film une petite tour de Babel : il va permettre de faire comprendre le film dans le monde entier.
Vous vous plaisez à mélanger les genres dans A Perfect Day ?
C'est quelque chose qui me suit depuis mes vingt ans. C'est vrai, vous avez raison, ce film est une comédie à l'intérieur d'un drame, dans un road movie, lui-même imbriqué dans un film de guerre. Quatre genres en un. Essentiellement, c'est un drame, bien qu'on y trouve beaucoup de comédie, et c'est un road movie car les personnages vont et viennent sans s'arrêter. Je me sens à l'aise quand il n'y a pas de genre défini : la vie ne correspond pas à un genre particulier, et réduire nos histoires à un genre revient à les simplifier. En tant que spectateur, j'ai du mal avec les films qui se cantonnent uniquement à un genre, ce ne sont pas ceux qui me plaisent le plus.
Le genre est donc un corset pour vous ?
Oui, pour moi il s'apparente à une bouée de sauvetage, à une sécurité. Lorsque l'on propose un genre, le producteur et le public ont une garantie : celle de savoir ce qu'ils vont voir. J'ai toujours eu plus d'admiration pour ceux qui ont su briser les codes, comme Polanski. On ignore par exemple si l'on doit rire ou non dans Lunes de fiel. C'est ce genre de films qui me captive le plus.
Avant A Perfect Day, vous n'aviez travaillé qu'avec une star, Javier Bardem, dans Les Lundis au soleil.
Oui, à l'époque il avait déjà été nominé aux Oscars, mais nous avions 30 ans et il n'avait pas le même statut qu'aujourd'hui. J'avais très envie de travailler avec Benicio del Toro, je voulais essayer et je lui ai proposé : le personnage et le ton de l'histoire l'ont intéressé. Il tourne dans de grands films à Hollywood mais aime aussi les projets plus petits et risqués. Il a du courage. Il a apprécié la simplicité de la trame, ainsi que l'ambition de raconter, à travers cette histoire simple, une chose qui la transcende. Le projet l'a beaucoup intéressé et il a été le premier à me donner son accord. Ensuite est venu Tim Robbins : je souhaitais un Américain parmi les personnages parce qu'il y en a souvent un parmi les travailleurs humanitaires. J'étais émerveillé de l'avoir avec moi après l'avoir vu dans tant de films mythiques. En partant de Mambrú, le personnage de Benicio, nous avons cherché les autres acteurs et actrices.
Vous êtes parvenu à faire passer Grenade pour les Balkans...
J'avais aussi repéré des sites en Bosnie, mais le paysage était très similaire, avec de la végétation méditerranéenne et de hautes montagnes, très proches de la mer. Malgré tout, les acteurs bosniens qui ont tourné avec nous n'étaient pas d'accord avec la ressemblance.
Vous êtes coproducteur du film. Il était moins cher de tourner en Espagne qu'à l'étranger ?
Pareil : il n'y avait pas tant de différence, mais tourner ici nous permettait de mieux gérer le film. De plus, l'histoire possède un certain niveau d'abstraction : il pourrait s'agir de n'importe quelle guerre, sur n'importe quel continent. On le voit à travers les montagnes et les routes, avec très peu de population, c'est pour ça qu'il était inutile d'aller chercher ce lieu spécifique alors que nous pouvions l'obtenir ici.
Pour finir, alors que les élections en Espagne se rapprochent, comment avance votre documentaire sur Pablo Iglesias et son nouveau parti politique Podemos ?
Il nous reste beaucoup à faire, mais nous y travaillons. Ça devient très intéressant parce que cette période politique en Espagne l'est aussi. Nous raconterons depuis l'intérieur l'intensité, la difficulté et les réussites de ce parti. L'idée est de montrer cette chose si particulière qu'est la formation d'un parti candidat aux élections. Ce double niveau rend tout plus difficile et intense, cela ne se passe pas dans les autres partis.
Le cinéma de Fernando León de Aranoa – qui a aujourd'hui à son actif deux longs métrages, Familia (1995) et Barrio (1998) –, se distingue d'emblée par la sobriété d'une mise en scène intimiste et le refus résolu d'« effets ». Le naturalisme de l'interprétation, étonnant de « vérité », sa constante justesse de ton, contribuent largement, dans les... Lire la suite
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