Films
Los fuertes
Après le succès de son court métrage intitulé San Cristóbal, le réalisateur chilien Omar Zúñiga, a poursuivi l’aventure avec ses deux acteurs principaux pour nous offrir ce long métrage d’une très grande qualité.
Nous assistons à la naissance d’une belle histoire où priment les sentiments et non les craintes des qu’en dira-t-on. Bien sûr, la romance se déroule au Chili et même si certaines avancées ont été faites pour les personnes LGBQTI*, tout est loin d’être parfait dans ce pays qui reste quand même très conservateur. Les protagonistes le savent et restent discrets mais cela n’est pas au centre de l’histoire. L’homosexualité, bien qu’omniprésente, n’est presque qu’un détail tant c’est avant tout une histoire d’amour qui est racontée. Omar Zúñiga a fait le choix de montrer l’histoire d’Antonio et Lucas sous l’angle de l’amour et non pas de l’homophobie avec la violence et les discriminations qui en découlent souvent ou bien encore avec des interrogations et des craintes comme le dit le réalisateur lui-même : “c’est une histoire d’amour qui n’implique pas une idée de culpabilité où l’idée que ce qu’ils sont en train de vivre serait quelque chose de mal”. Omar Zúñiga a voulu raconter une histoire où tout est possible sans pour autant tomber dans le cliché du film romantique. Ici, tout est simple, naturel, crédible et cela fait beaucoup de bien !
Autre élément essentiel qui fait la force du film, c’est la place de la nature présente dès le début du film à travers la vitre du bus qui emmène Lucas à Valdivia. Entre fleuves et mer, les paysages de cette région du sud du Chili sont magnifiques et la naissance de cette histoire d’amour dans un aussi beau décor n’est pas sans nous rappeler le film Brokeback Mountain d’Ang Lee. Les scènes sous la pluie, sur la plage, en mer ou dans la nature sont autant d’invitations au voyage et apportent une dimension authentique à leur amour.
Les deux hommes sont très différents et c’est peut-être en cela qu’il ne sera pas évident de parier sur leur avenir. Lucas (Samuel González) a coupé les ponts avec ses parents et s’apprête à s’envoler pour le Canada pour ses études d’architecture. On devine clairement cette envie de s’exiler et de recommencer une nouvelle vie ailleurs rompant ainsi avec son pays d’origine et les “chaînes qui l’entravent”. A l’inverse de Lucas, Antonio (Antonio Altamirano) est un pêcheur qui n’a jamais quitté sa région et qui y est très attaché. Il participe d’ailleurs à des reconstitutions historiques de l’époque de l’indépendance du Chili comme avec cette première scène qui ouvre le film sur des hommes habillés en soldats. Celle-ci peut surprendre au début mais nous apprendrons qu’il s’agit d’une reconstitution de la prise de Valdivia en 1820. Si cette scène n’est pas là par hasard, on peut sans doute y voir un parallèle avec l’histoire d’Antonio et Lucas où cette notion d’indépendance, et même de liberté, fera la force des deux hommes tout au long du film.
Bien que l’histoire se centre tout particulièrement sur Lucas et Antonio, le réalisateur ne néglige pas pour autant l’importance des personnages secondaires. Certes moins présents à l’écran, ils ont tous un rôle à jouer dans le film, comme le collègue pêcheur d’Antonio qui n’assume pas son homosexualité, la soeur de Lucas (son seul soutien familial) et sa relation de couple ou encore la grand-mère d’Antonio, confidente du jeune homme.
Los fuertes est un film comme on aimerait en voir plus souvent. Il a d’ailleurs remporté plusieurs prix dans des festivals de films LGBT témoignant ainsi de sa qualité de long métrage et de l’histoire racontée. Les acteurs portent le film sans aucune fausse note et avec beaucoup de tendresse. En témoignent ces deux scènes qui m’ont marquée où, après avoir fait l’amour, les deux hommes se sourient et s’enlacent avant de se laisser aller aux confidences allongés l’un à côté de l’autre. La scène suivante est quant à elle une véritable petite bouffée de bonheur et de douceur où en préparant le petit déjeuner, Lucas et Antonio se laissent aller à une danse amoureuse sur la chanson de Paulina Rubio : Ese hombre es mío…
*Le mariage homosexuel a été adopté par le parlement chilien le 7 décembre 2021 puis entré en vigueur le 10 mars 2022.
> Sortie le 4 mai 2022
Agathe Ripoche
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