Films
A l'aube de la mort de Franco, la côte est le lieu de villégiature d'une faune de touristes étrangers qui se mêlent aux familles espagnoles en décompression. Evelyn et Tom sont de la partie. Ce couple qui s'apprête à accueillir leur troisième enfant -événement qui semble avoir bousculé bien plus Tom qu'Evy pour des raisons qui ne nous sont pas révélées – souhaite passer quelques jours sur l'île d'Almanzora. Ce lieu situé à quatre heures en barque de la station balnéaire de Benavis est déjà connu par Tom qui y avait séjourné douze ans auparavant. Comme une manière de se ressourcer et de vivre une expérience aventurière avant ce troisième grand saut dans la parentalité, ce couple arrive à bon port avec enthousiasme. Quelques enfants les accueillent et s'occupent de l'amarrage de leur barque. Le soleil et la chaleur sont présents dans chaque ruelle qu'ils empruntent. Et c'est dans cette première déambulation que le spectateur commence à percevoir un mystère : pourquoi n'y a-t-il personne ?
Des éléments perturbateurs sont introduits dès le début du récit : la musique de la fête est trop bruyante, deux cadavres ont échoué sur la plage de Benavis, une fleur est trouvée en pleine mer. Entre les sursauts inquiétants éparpillés de-ci de-là, la trame et les personnages sont moins confus et les péripéties basculent vers la terreur, l'horreur et la transgression fatale.
Les enfants dominent l'île. Ils prennent la vie des adultes comme s'il s'agissait d'un jeu. Infectés d'un mystérieux pouvoir dévastateur, leur meute a pour chefs deux garçons effrayants par ce mélange entre leur physique angélique et leurs regards maléfiques. Les actions du film sont cinglantes et sanguinolentes. Le piège se referme sur le couple de touristes et l'invasion des enfants tueurs se propage vers la péninsule.
Une signature espagnole
Reconnu maître du cinéma de genre dès ses premiers films (La Résidence, 1969 et ses Historias para no dormir (de 1966 jusqu'en 1982), Narciso Ibáñez Serrador a offert en 1976 un film dont les protagonistes sont les touristes anglais de la côte malaguène. Il en est également le scénariste même s'il utilise son pseudonyme Luis Peñafiel. Il s'est inspiré du roman El juego de Juan José Plans. Un déjà vu aujourd'hui mais une ouverture inédite de l'Espagne postfranquiste à l'époque. Comme nous l'a tout récemment confié Jonás Trueba, le cinéma capte aussi l'air du temps. Un lieu et son époque s'infiltrent a fortiori dans le récit cinématographique. Ici, comme dans Eva en août, le contexte et la société sont présents. La fête de la ville, avec ses défilés de géants et ses pétarades nocturnes posent des repères, un ton, une couleur. Que ce soit pour le spectateur d'alors ou d'aujourd'hui (qui pourrait s'imaginer le même récit à Benidorm par exemple ou avec les enfants porteurs sains de la COVID), le « décor » est un élément influant sur la réception du film et souvent décisif pour l'appréciation de ce dernier. Dans Les révoltés de l'an 2000, il est hautement travaillé qu'il s'agisse des lumières, des costumes, de la photographie. Ici, en août 2020, Carlotta Films distribue une nouvelle version restaurée et pour la première fois dans sa version officielle anglo-espagnole. En ce qui nous concerne, l'esthétique de cette époque révolue ajoute un charme fou à ce terrible conte macabre.
Les révoltés de l'an 2000 ou quand les enfants se retournent contre les adultes. Un film dont la subversion et la violence ont inspiré les réalisateurs de cinéma fantastique des années 90 tels que Alex de la Iglesia, Alejandro Amenábar ou Jaume Balagueró. Un film qui tombe à pic dans une période estivale des plus réalistement étranges.