Films
La familia
L'objectif s'attarde sur un enfant en particulier: Pedro, d'une douzaine d'années. Est-ce un enfant des rues ? Le spectateur est rapidement empli d'interrogations à son sujet. On le voit se faufiler dans un appartement qui semble vide d'occupants. L'immeuble est délabré, à l'image du quartier. Surprise, Pedro en a les clefs. Le lieu est meublé. A-t-il un toit ? Est-ce chez lui ? La mise en scène, très introspective, capte le spectateur qui développe un intérêt pour ce mystérieux préadolescent au visage si dur. On a besoin de comprendre sa situation et son parcours. Les déplacements de la caméra empêchent de tirer une conclusion hâtive. Ses mouvements discrets de caméra donnent envie d'en savoir plus sans passer par la case "préjugé". Que va-t-il arriver à Pedro ? Ses pas semblent si dangereusement imprévisibles.
Au petit matin, un homme entre à son tour dans l'appartement. Il a l'air de rentrer chez lui. Son frère ? Non ! Son père ? Oui ! Le jeune Pedro vit avec lui et cela nous laisse dubitatifs. Ils semblent partager plus un lieu qu'un quotidien. Ne font-ils que se croiser ?
Un père très peu présent, une mère absente. Où est-elle ? Est-elle seulement encore de ce monde ? La trame semble être posée. Le film peut maintenant se dérouler, nous croyons savoir où il nous emmène. Un film prévisible ? Non ! Un contretemps ultraviolent change la donne. Le spectateur découvrira ce qui se cache derrière les absences du père, l'errance du fils et la détermination comme moteur de leur survie, malencontreusement incertaine dans cette autre cité d'amour et de haine (cf. Les Amants de Caracas, Lorenzo Vigas Castes, 2016).
La Familia rappelle des valeurs qui pourraient être mises à mal par le fossé générationnel et le niveau de violence atteint par une société si appauvrie et délaissée qu'elle en est devenue sauvage. Cette histoire dénonce le niveau de pauvreté inacceptable concentré dans certains quartiers ouvriers de Caracas au Venezuela, néanmoins transposable dans bien des pays. Heureusement, l'amour que l'on porte à la famille est le moteur le plus performant du film. La solution la plus efficace aux problèmes d'Andres et de Pedro : la ténacité à faire en sorte que la progéniture existe et perdure.
Bravo monsieur Gustavo Rondón Córdova ! Les acteurs font briller leur personnage. Leur prestation offre l'inoubliable visage de l'authenticité. Un premier long-métrage dont on sort empli d'espoir et un peu plus conscient.
Stéphane Sanchez
Le Navire, fidèle lieu d'accueil des festivaliers, voguera vers les récentes sorties et d'autres films à découvrir ou à revoir sous l'attention bienveillante de l'invitée d'honneur Lola Dueñas, récemment primée aux Goyas 2019 et figure de proue du lumineux cinéma espagnol, latino et très bientôt français (tournage en préparation, sous la direction... Lire la suite