Films
Fête, sexe et famille
Pas d'école, pas de formation. Un lycée à moitié terminé. Etre à la dérive. Etre tout court, c'est déjà pas mal pour Jesús qui, avec ses amis, vit le péril jeune dans la lumière du jour, dans sa plus pure nudité, dans ses sentiments libérés. Dans les ombres hantées des nuits déjantées aussi. Lui et les autres dansent sérieusement, boivent goulûment, fument, draguent, baisent. Ils sont libres, la plupart du temps. Les quelques parenthèses de Jesús partagées avec son père, à la marge des autres, pèsent. Il est distant, froid et ne compense pas sa négligence. Fernando Guzzoni dit l'intime de cette famille avec grandeur : lumières tamisées, rideaux ouverts sur la ville insomniaque, des silences masculins, des regards qui ne se croisent pas, les visages de profil, il use de lignes obliques comme s'ils étaient tous en faute -manque- d'amour. Toutes les barrières, fenêtres, parois sont traversables, perméables, fracturables à l'image de leurs cœurs brisés, de leurs mères absentes, d'une patrie qui les abandonne.
La meute ou l'isolement
Le premier chef de la manade de Jesús est bien son père, interprété par Alejandro Goic (El Club de Pablo Larraín, 2015). Il essaie d'assumer sa fonction lorsqu'il retrouve son fils, de manière irrégulière, en fonction de son temps professionnel. Il est d'une autre génération, des années 50, issu des gouvernements d'Allende et de Pinochet, marqué par le devoir du citoyen, défragmenté par la terreur dictatoriale, fracturé par le manque d'affect. Ce père va devoir faire un choix : il décidera et ne se retournera pas. Sera-t'il celui qui sauvera Jesús ?
Il y a aussi l'autre chef, le Suprême, celui par lequel dérivent les jeunes fils et les parents épuisés : l'Etat. Il est celui qui abandonne ses enfants, qui n'assume pas sa part de responsabilité, celui qui presse les libertés pour ne rien faire de leur suc. Tous tombent dans l'isolement. Le No Future des Sex Pistols donne le ton, depuis le générique de début jusqu'au nihilisme narratif de la fin. Le réalisateur permet aux spectateurs de prêter l'oreille aux détails : les médias officiels intoxiquent de la même manière que les médias des rebelles narcos dont les vidéos circulent chez les jeunes. C'est par l'erreur de Jesús que le spectateur fera l'expérience d'un Chili amer : celui du devoir social qui dépasse l'entendement, celui de l'ordre collectif qui dépasse la liberté individuelle, celui qui immobilise les citoyens dans l'accélération du monde actuel.
Comment faire?
Comment Jesús et ses camarades pourraient-ils avancer s'ils sont sans cesse gâchés ? Comment un père saurait-il s'y prendre s'il s'absente ? Comment un pays pourrait-il progresser s'il ne prête pas l'attention nécessaire à sa jeunesse ? Le film nous donne à voir au moins le mécanisme du nihilisme d'état. Rien ne s'installe dans le film, les jeux d'acteurs ne sont jamais répétitifs. A la ville s'oppose la nature, aux lumières jaunes des nuits, l'eau froide et purificatrice de rivières originelles. Jesús sera trahi par les siens, son père un martyr. Fernando Guzzoni traduit en image le poids du devoir, de la culpabilité, de l'impossible échappatoire. Les personnages ne sont pas des stéréotypes, ni des fous ni des idéalistes, néanmoins, une problématique délaissée. Avec Jesús, on sort des pistes, on gagne en légèreté de l'être puis on chute, on attend, on s'interroge. La violence est organique, la mise en scène réaliste. Les jeunes désinhibés dévoilent le vrai visage de la mécanique sociétale telle une sacrée grande faucheuse.
Fernando Guzzoni avait débuté l'écriture du scénario de Jesús-Petit Criminel puis quelques temps après s'est déroulé un fait divers à San Borja Park en 2012 qui a donné l'orientation définitive au film. Il propose une analogie de la société chilienne par la mise en scène d'une jeunesse abandonnée. Les traces du régime dictatorial, du passé colonial et des structures puissantes des peuples des origines collent à la peau des personnages. A quoi bon le pouvoir des sociétés contemporaines si la jeunesse meurt ? Jesós n'est pas un petit criminel, il est la lumière que tous tendent à éteindre, sauf le cinéma. Le spectateur sortira de la salle de projection certainement tatoué par cette représentation absolue de l'amour, de ses carences et de ses défaites.
Les Rédacteurs
L'histoire
Madrid, 1959, sous la dictature franquiste. Il règne dans la ville une ambiance brumeuse et pesante. Un jeune homme attaque une guichetière du kiosque de la Once et s'empare de la recette du jour.
Lire la suiteRafa (Germán Alcarazu) est espagnol et vit son adolescence joyeusement entourée de sa bande d’amis, bien qu’un peu spectateur de son quotidien. Entre parties de jeux vidéo et matchs de waterpolo, il croise Ibrahim (Adil Koukouh, vu notamment dans la série El Príncipe), réservé, jeune marocain résidant au centre d’accueil des mineurs sans papiers.... Lire la suite
Pablo, Meca et Sebas vivent de petits coups, qui leur permettent de prendre du bon temps. Maigres profits, mais pour de maigres besoins ; et l'amitié passe avant tout. Un soir, après un braquage de voiture, ils rencontrent Angela, serveuse dans un bar. Angela découvre rapidement la vie dangereuse mais indépendante que mène le trio. Elle aime le... Lire la suite
Comme dans le documentaire à partir duquel il s'est construit, Ferrán Andréschoisit d'adopter le point de vue de l'intime, la vision de l'intérieur d'un phénomène sociologique qui toucha l'Espagne à la fin des années 70 et dans les années 80 et que le cinéma national s'appropriera pour en faire un imaginaire que nous connaissons sous le nom de... Lire la suite
Faire valoir l'existence... C'est l'histoire de Tano, un petit délinquant, mineur (interprété par Andrew Bargsted, vu dans Locas perdidas de Ignacio Juricic en 2015, Nunca vas a estar solo de Alex Anwandter en 2016 et Marilyn de Martín Rodríguez Redondo, 2018), dont le père se responsabilise après plusieurs années à distance (Francisco... Lire la suite