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Affiche Neruda

Neruda

Un Film de Pablo Larraín
Avec Luis Gnecco, Gael García Bernal, Mercedes Morán, Diego Muñoz, Pablo Derqui
Drame | Chili, Argentine, Espagne, France | 2016 | 1h48
5 nominations à la Quinzaine des réalisateurs Cannes 2016 : Prix SACD, Art Cinema Award, Mention spéciale SACD, Prix Illy, Label Europa Cinema, Golden Globes 2017 : nominé dans la catégorie Meilleur Film en langue étrangère
¿Hay algo más triste que un tren inmóvil en la lluvia ?

Le mercredi 4 janvier 2017.

Voilà la question qui raisonnait en moi lors de la projection presse du film de Pablo Larraín, Neruda. Elle me venait d'un bel ouvrage que j'ai plaisir à feuilleter de temps à autre : Libro de las preguntas, d'Isidro Ferrer et de Pablo Neruda. J'avais enfin trouvé une réponse à sa question : tout sauf lui. C'est exactement comme cela que je m'imagine Pablo Neruda : le grand joyeux !

«[...] Quiero que a la salida de fábricas y minas 
esté mi poesía adherida a la tierra, 
al aire, a la victoria del hombre maltratado. 
Quiero que un joven halle en la dureza 
que construí, con lentitud y con metales,
como una caja, abriéndola, cara a cara, la vida, 
y hundiendo el alma toque las ráfagas que hicieron 
mi alegría, en la altura tempestuosa. »
« La gran alegría », section XV « Yo soy », Canto General.

Nul besoin de s'arrêter sur le sénateur, le communiste, le poète. Ils font bien entendu partie de l'histoire. C'est de l'étincelle de Neruda dont il s'agit ici, et des traces qu'il a laissées chez ses plus grands admirateurs et détracteurs : l'audace d'être celui qu'il était!


Assister à la prouesse de Luis Gnecco jouant à être Pablo Neruda, le fugitif d'Oscar Peluchonneau (Gaël García Bernal) et l'amant de Delia del Carril (Mercedes Morán) s'est révélé être un acte follement amusant. Pablo Larraín et Guillermo Calderón, le scénariste, se sont posés les bonnes questions et ont traqué des réponses lumineuses. Pablo Neruda n'était pas un train immobile sous la pluie car sa voix suspendait le temps et l'espace de ceux qui l'écoutaient avec envie ou mépris. Et c'est un peu de cela que nous retrouvons dans le choix judicieux des prises de vue : caméra flottante, lumières millimétrées, intérieurs et extérieurs contrastés. Neruda est un train libre qui fait du bruit : un wagon robuste, une machine imparable, la vapeur d'une locomotive. Neruda est tout cela à la fois. Un sénateur-poète engagé et fugitif avec le Chili et la poésie. Il est l'amant de la scène, des femmes et des romans frénétiques. Il lit, parle, chante. Il boit, fume, baise. Il ne vit pas une épopée, il devient l'épopée qui traque le spectateur du chaleureux foyer des intellectuels, des planques urbaines, des maisons closes, des cabanes de chasseurs, du nord au sud du Chili pour réapparaître vainqueur sur notre Seine à nous, pleine d'adulés et de traqués, comme lui, comme Pablo Neruda.

C'est peut-être en cela que réside la dernière réalisation de Larraín. Traquer un souvenir de lui, presque collectif. Une lecture avec vue sur la baie de Valparaíso depuis la Sebastiana, des chants lancés de tous lieux, la chute de la police repressive, la fragile liberté gagnée. Satisfaire ce besoin audacieux d'aborder Neruda autrement. De l'aborder grâce à cet autre qui est un peu nous, un peu lui. Ses textes et nos souvenirs des premiers vers de son vingtième poème d'amour « Puedo escribir los versos más tristes esta noche. »  Tous pour la liberté et ses fils de loups. Tous avec Pablo, Neruda ou Larraín, peu importe pourvu que nous puissions entendre au loin ce train mobile sous la pluie.

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