Films
Histoire de ma mort
Casanova vs Dracula
Dans la lignée de ses précédents films, -après Don Quichotte (Honor De Cavallería) et les Rois mages (Le chant des oiseaux)-, Albert Serra dépouille les mythes pour n'en garder que l'enveloppe et nous en offrir une variation moderne. L'amour contre la mort, l'être humain contre l'être de fiction, la lumière contre les ténèbres: si tout oppose Casanova à Dracula, Serra prend le parti de les réunir dans un même scénario. Pourtant, jamais ils ne se rencontreront physiquement.
La première partie se construit autour de la figure de Casanova. Abusant des plaisirs de la chair, - qu'il les trouve chez la femme ou dans la nourriture (chère) -, cet épicurien n'a plus rien d'un homme raffiné. Il aime se goinfrer bruyamment. Sa bouche est l'instrument de son désir. Une bouche qui sert aussi à mordre pour ôter la vie, comme celle de Dracula. Dans la deuxième partie, le film bascule dans les ténèbres pour rarement en échapper. Casanova laisse place au vampire. Dès lors, s'installe une longue nuit peuplée d'étranges créatures assoiffées de sang et d'images troublantes.
Une mise en scène picturale
Chaque plan du film est une mise en scène étudiée. Que ce soit les lueurs rubescentes des rayons de soleil ou les lumières tremblantes des bougies, Serra soigne le travail sur la couleur et la photographie. Il compose ainsi des tableaux qui renvoient aux grands maîtres de la peinture: l'éclairage à la chandelle comme dans les toiles de Georges de La Tour, les jeux d'ombre et de lumière façon Le Caravage, les visages goyesques inquiétants, le clin d'œil au Bœuf écorché de Rembrandt, mais aussi les bodegones (natures mortes) où fruits et gibiers ornent les banquets. L'image parfois granuleuse, ainsi que les plans fixes et longs de la caméra, viennent renforcer le côté "tableau" de la mise en scène. Les personnages sortent du champ, disparaissant de l'écran, puis y entrant à nouveau.
Histoire de ma mort est donc une expérience sensorielle éprouvante, une magnifique divagation, un ovni catalan dans le paysage cinématographique actuel.
Elise Chevillard
Comment ont été choisis les personnages du Chant des oiseaux? Pourquoi ce sujet biblique?Je voulais continuer dans la voie d'Honor de Cavalleria, mais en plus abstrait. Lors des débats après les projections d'Honor, tout le monde admirait les paysages, disait que je devais énormément les aimer, bien les connaître... A la cent quarantième fois, je... Lire la suite