Films
N'aie pas peur
Silvia, petite blondinette de six ou sept ans, aurait pu comme son amie Maïté grandir dans l'insouciance, qui est généralement le propre de l'enfance. Il n'en sera rien car, abusée sexuellement par son père, elle va se trouver engluée dans un monde de dissimulation, de silence, de solitude et de culpabilité.
Les cernes qui s'élargissent autour de ses yeux au long des mois et des années le disent assez, pas assez cependant pour que sa mère puisse, veuille prendre conscience du drame qui se joue à côté d'elle. Elle ira même jusqu'à lancer au visage de sa fille qu'il n'y a personne qui l'aime plus que son père. Amère ironie pour le spectateur qui sait ce que, elle, ne veut pas savoir.
Armendáriz traite ce sujet délicat avec infiniment de retenue et de discrétion. Les silences sont éloquents, les ellipses permettent d'éviter des scènes trop démonstratives, de mélodramatiser un film plein de tact, et les non-dits ou hors-champ en disent plus long que des mots, voire des images. Tout ceci devient porteur grâce à la construction que le réalisateur, qui est aussi scénariste, a choisi de donner à son film. C'est un film de fiction, mais il l'a entrecoupé de scènes à caractère documentaire où se racontent des victimes d'abus sexuels. Ce sont soit des témoins individuels, soit des cercles de parole, cercles que Silvia finira par intégrer pour commencer sa reconstruction.
Des acteurs remarquables
Le film est porté par des acteurs remarquablement dirigés, qui entrent parfaitement dans la retenue qui le caractérise. Michelle Jenner est une Silvia adulte toute en tension et fragilité dont le regard intense, parfois accusateur, dit tout ce qu'elle ne parvient pas à exprimer. Elle sait manifester petit à petit comment elle s'efforce d'aller vers les autres, d'écarter le mur de la honte édifié autour d'elle, cela avec l'aide de son amie Maïté et d'une psychologue qui guide son chemin vers la vie. Elle est au centre de l'histoire qui nous est racontée, sans toutefois y avoir une espèce de vedettariat qui serait tout à fait déplacé dans ce contexte.
Le drame en effet ne peut exister que dans le duo qui à la fois rapproche et affronte le père et la fille. Ce père magnifiquement interprété par Lluis Homar, à la fois extrêmement attentif au bien être de sa fille et monstrueusement indifférent à l'anéantissement de son avenir, de son être. Lluis Homar rend compte de cette ambigüité du personnage, jamais démonstratif. Ce que reflètent ses yeux à lui, c'est le doute, l'inquiétude, si bien qu'Armendáriz ne le diabolise pas, prouvant ainsi que le calme apparent de la normalité dissimule parfois des tempêtes. Cette apparente normalité justifie l'inconscience de la mère, Belén Rueda, parfaite en égocentrique quelque peu écervelée.
Il faut dire deux mots, mais ils en mériteraient davantage, sur les moments musicaux du film. Vécus avec l'amie, Maïté, ils sont la beauté qui annule, ne serait-ce qu'un instant, la laideur, et permettent de croire que le bonheur est encore possible pour cet instant, alors pourquoi pas pour le reste de la vie ?
La conclusion peut venir d'Alex, l'une des témoins rencontrée par Montxo Armendáriz lors de l'élaboration de son projet : « Ton investigation valait la peine parce qu'à partir de fragments de récits de toutes les personnes rencontrées, tu as construit une histoire réelle avec une finesse digne d'un créateur authentique et revendicatif. Merci Montxo et loué soit ton travail ». (www. Elmundodelosasi.org)
Pas quatre, ni cinq… Ce sont bien six avant-premières qui sont au programme de cette dix-septième édition du festival ! Unanimement salué par la critique, No tengas miedo, du réalisateur Montxo Armendáriz, est un joyau qui combine la violence du réel et la délicatesse du trait. Lire la suite