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Epicentro
La vérité sort de la bouche des enfants
Le film donne directement la parole à des enfants, des pré-adolescents, de la Havane. Celle des filles occupe une place fondamentale dans la construction du mécanisme interne du documentaire. Dans un décorticage de la notion d'impérialisme à partir de ceux qui résultent de ce phénomène, les jeunes métisses comme Leonelis et Annielys ou leur aînée qui parle avec clairvoyance malgré le contexte, Sauper met en lumière la « métaphysique » du cinéma dont il précise dès le début sa définition : « une création envoûtante des temps modernes », « une expérience », « un voyage dans le temps et dans l'espace » qui n'est pas sans nous rappeler l'œuvre de Thomas More. C'est en démontant la véracité des événements inventés de toutes pièces en 1898 par les Etats-Unis – l'explosion du cuirassé américain USS Maine – qu'il fait le portrait d'une île victime du pouvoir et dans laquelle résonne encore « l'écho de ce big bang ». Le spectateur se retrouve donc face aux paroles et regards de spectateurs de l'Histoire.
Et le cinéma la révèle
En captant leur propre prise de parole, Sauper tutoie son destinataire et ses témoins pour questionner l'Utopie, celle du temps et de l'espace dont Cuba, de par son Histoire, devient le terrain d'application et d'analyse.
« Cuba est l'épicentre de trois chapitres dystopiques de l'Histoire : la traite des esclaves, la colonisation et la mondialisation du pouvoir de l'Empire Moderne ».
Sur une construction narrative faite d'archives visuelles, radiophoniques, télévisuelles et cinématographiques, Sauper révèle la parole des enfants en les mettant en scène. Ils sont placés au cœur de diverses expériences comme la projection d'un film de Charlie Chaplin, l'utilisation de l'appareil photographique d'un Smartphone, la mise en scène de la bataille de Santiago de Cuba dans un atelier de cinéma. Ils sont également filmés dans leur quotidien comme lors d'un cours de danse avec Tony Menéndez ou lors d'un moment exceptionnel vécu autour de la piscine d'un hôtel luxueux. Ces scènes, créées ou improvisées, diffusent les pensées des plus jeunes. Les thèmes complexes qu'ils développent, qu'il s'agisse de l'amendement Platt, de la Revolución ou encore de leurs propres rêves, scintillent plus réellement à l'image.
Sur la toile du changement
Cuba et le tourisme, le cinéma et le tourisme. Les touristes et les Cubains. Le rhum, la salsa, la rue. Le vice et l'Autre. La pauvreté et la richesse. Les logements de fortune et les palais mafieux. Roosevelt, Ernest Hemingway, Coca Cola, Obama et Trump. Les nuits de tournage à La Havane ont été productives pour Sauper. Face à ce documentaire riche en images et thématiques, nous nous interrogeons sur les critères de sélection du matériel filmé. Comment choisir et monter le tout ? Une question décisive d'autant plus que la période de tournage englobe également la mort de Fidel Alejandro Castro Ruz qui marque l'île de nouvelles conditions de vie.
Hubert Sauper opte pour l'art avant tout. Pour le cinéma comme expression artistique. Pour le documentaire comme symbole contre l' « Empire des images et de l'imagination ». Il fait voyager le spectateur sur les premières images du cinéma, sur le premier acteur à contrecarrer les propagandes nord-américaines, Charlie Chaplin. Epicentro réserve plus d'une surprise : de la lune aux étoiles, son expérience au Paradis s'inscrit avec pédagogie, poésie - et peut-être même avec un grain de folie douce - dans la lignée des documentaires non conventionnels. Avec Epicentro, l'énergie des vagues devient réalité.