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Un hommage à Fernando Fernán Gómez, l'un des acteurs et réalisateurs du cinéma espagnol les plus talentueux de sa génération.
Il a tiré sa révérence le 21 novembre 2007, le « rouquin » du cinéma espagnol, Fernando Fernán Gómez, et il l'a fait avec la même élégance irrévérencieuse qui avait marqué toute sa vie. Le cercueil recouvert d'un drapeau anarchiste de cet Académicien de l'Académie Royale – où il a été le premier membre issu du monde du cinéma à être élu en 1998 – était exposé sur la scène du Théâtre Espagnol de Madrid, dans un décor qui reproduisait celui du café des intellectuels madrilènes, le café Gijón. Ils sont d'ailleurs tous venus, ces intellectuels, lui rendre hommage, lisant un poème, interprétant quelque chanson, tout simplement prononçant quelques mots d'amitié.
Ce fut sans doute le personnage le plus paradoxal de la scène, de l'écran et des lettres espagnoles depuis des décennies et il est bien possible qu'il le reste pour bien des décennies encore. Il excellait dans le maniement de l'humour et de l'ironie froide – voire glaciale –, tant à l'encontre de la société dans laquelle il vivait qu'à sa propre encontre. Il suffit pour s'en convaincre d'aller faire des incursions dans son livre autobiographique, El tiempo amarillo, publié alors qu'il avait 65 ans (1986), et où il livre ses mémoires en faisant preuve d'une tonique dérision.
A titre d'exemples. A propos de La vida por delante (1958) dont il avait écrit le scénario avec J.L. de la Torre : « C'était une satire sur le bricolage à l'espagnole. Nous voulions montrer que beaucoup d'ouvriers font du bricolage, presque personne ne travaille par amour du bel ouvrage, mais pour s'en sortir, gagner sa vie... tout comme bien des médecins, des avocats, etc. - nous ne parlions pas des hommes politiques car, en ces temps préhistoriques, il n'en existait pas... ».
Quand on a participé à des films de réalisateurs grands illustrateurs de l'idéologie franquiste comme Saenz de Heredia, c'est une façon de relativiser les choses. Il fallait bien « s'en sortir »... ce qui n'empêchait pas d'être lucide quant à ce que l'on faisait et avec qui on le faisait! Ou encore, parlant de lui-même et expliquant que dès sa jeunesse il voulait être riche, immensément riche, comme « ces arabes qui vivent à Marbella » (il s'agit, bien sûr, des rois du pétrole et non de ceux qui traversent le détroit de Gibraltar à la nage ou peu s'en faut).
Ce désir a sans aucun doute été bien réel et s'explique, en partie du moins, par ses origines et son enfance: « De l'argent. De l'argent. J'avais besoin d'argent. Comme pendant toute sa vie, et à 80 ans encore, en a eu besoin ma grand-mère qui a enduré la plus grande des infortunes: être à la fois pauvre et avare ». Il faut préciser que Fernando était né à Lima (Pérou) le 28 août 1921, d'une mère actrice de théâtre en tournée et de père inconnu. La conséquence en a été une enfance - et peut-être toute une vie - marquée par le sentiment d'insécurité. Le fait que l'on ait « en permanence le goût du luxe est une composante du syndrome de l'abandon ».
Ironique, il l'était aussi lorsqu'on évoquait son côté grand séducteur, homme à femmes: « ... parmi les femmes que j'ai connues, c'est tout au plus si j'ai pu m'en faire quatre qui étaient parmi les plus belles, mais il y en a soixante-trois autres qui étaient aussi parmi les plus belles et qui n'ont voulu de moi à aucun prix, ni sous la menace ni en les suppliant ». On peut quand même considérer que deux ont eu, dans sa vie, une place, disons, privilégiée: la chanteuse María Dolores Pradera, épousée en 1946, dont il a eu deux enfants, puis l'actrice Emma Cohen, qu'il a épousée en 2000 après quinze à vingt ans de vie partagée.
Au moment de prendre congé de Fernando Fernán Gómez, on pense à ces vers que F.G. Lorca adressait à son ami Ignacio Sanchez Mejias dans son Chant Funèbre :
« De longtemps ne naîtra, si toutefois il naît,
un (espagnol) si clair, si riche d'aventures
Je chante son élégance en des mots qui gémissent
Et me rappelle une brise triste dans les oliviers. »
Adiós pelirrojo.
Ce fut sans doute le personnage le plus paradoxal de la scène, de l'écran et des lettres espagnoles depuis des décennies et il est bien possible qu'il le reste pour bien des décennies encore. Il excellait dans le maniement de l'humour et de l'ironie froide – voire glaciale –, tant à l'encontre de la société dans laquelle il vivait qu'à sa propre encontre. Il suffit pour s'en convaincre d'aller faire des incursions dans son livre autobiographique, El tiempo amarillo, publié alors qu'il avait 65 ans (1986), et où il livre ses mémoires en faisant preuve d'une tonique dérision.
A titre d'exemples. A propos de La vida por delante (1958) dont il avait écrit le scénario avec J.L. de la Torre : « C'était une satire sur le bricolage à l'espagnole. Nous voulions montrer que beaucoup d'ouvriers font du bricolage, presque personne ne travaille par amour du bel ouvrage, mais pour s'en sortir, gagner sa vie... tout comme bien des médecins, des avocats, etc. - nous ne parlions pas des hommes politiques car, en ces temps préhistoriques, il n'en existait pas... ».
Quand on a participé à des films de réalisateurs grands illustrateurs de l'idéologie franquiste comme Saenz de Heredia, c'est une façon de relativiser les choses. Il fallait bien « s'en sortir »... ce qui n'empêchait pas d'être lucide quant à ce que l'on faisait et avec qui on le faisait! Ou encore, parlant de lui-même et expliquant que dès sa jeunesse il voulait être riche, immensément riche, comme « ces arabes qui vivent à Marbella » (il s'agit, bien sûr, des rois du pétrole et non de ceux qui traversent le détroit de Gibraltar à la nage ou peu s'en faut).
Ce désir a sans aucun doute été bien réel et s'explique, en partie du moins, par ses origines et son enfance: « De l'argent. De l'argent. J'avais besoin d'argent. Comme pendant toute sa vie, et à 80 ans encore, en a eu besoin ma grand-mère qui a enduré la plus grande des infortunes: être à la fois pauvre et avare ». Il faut préciser que Fernando était né à Lima (Pérou) le 28 août 1921, d'une mère actrice de théâtre en tournée et de père inconnu. La conséquence en a été une enfance - et peut-être toute une vie - marquée par le sentiment d'insécurité. Le fait que l'on ait « en permanence le goût du luxe est une composante du syndrome de l'abandon ».
Ironique, il l'était aussi lorsqu'on évoquait son côté grand séducteur, homme à femmes: « ... parmi les femmes que j'ai connues, c'est tout au plus si j'ai pu m'en faire quatre qui étaient parmi les plus belles, mais il y en a soixante-trois autres qui étaient aussi parmi les plus belles et qui n'ont voulu de moi à aucun prix, ni sous la menace ni en les suppliant ». On peut quand même considérer que deux ont eu, dans sa vie, une place, disons, privilégiée: la chanteuse María Dolores Pradera, épousée en 1946, dont il a eu deux enfants, puis l'actrice Emma Cohen, qu'il a épousée en 2000 après quinze à vingt ans de vie partagée.
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