Films

Affiche

Matria

Un Film de Álvaro Gago
Avec María Vázquez, Santi Prego, Soraya Luaces,
Drame | Espagne | 2023 | 1h39
Galicia, tierra de las madres
De par son titre, le dernier film d’Álvaro Gago, « Matria », en salles le 3 juillet, nous embarque vers une terre qui lui est chère et familière, la Galice, connue pour être la terre des femmes.

Dans ce long-métrage, qui fait écho à un court réalisé en 2017 portant le même titre et qui valut au jeune cinéaste le Grand Prix du Jury au festival de Sundance, ainsi qu’une nomination la même année pour les Goya, se dessine le portrait d’une femme, Ramona, une ouvrière de 42 ans, dont le quotidien est rythmé par le travail et la survie financière afin de garantir un avenir à sa fille dont le prénom « Estrella » s’emplit de symbolisme au fur et à mesure qu’avance le film.

         

D’autres femmes entourent Ramona et peuplent ce long métrage, telles que sa sœur, avec qui elle partage des liens très fusionnels, ou ses collègues de l’usine qui, comme elle, se tuent à la tâche pour un salaire de misère. C’est dans ce contexte que s’ouvre le film, où la caméra, au plus près du personnage principal, suit ses mouvements physiques, en particulier ses mains qui s’activent de façon frénétique au nettoyage dans l’usine où elle travaille. Cette première séquence, qui plante le contexte du quotidien de Ramona, nous oriente vers un cinéma résolument social, qui n’est pas sans nous rappeler celui des frères Dardenne. Elle permet aussi de brosser les principaux traits de caractère du personnage principal, magistralement interprété par María Vázquez : Ramona est une femme de caractère, combative, déterminée et exigeante dont la vie est une lutte de chaque instant. Son franc-parler incisif et son humour montrent les différentes facettes du personnage : elle est tantôt dure, tantôt drôle ou attachante. Dure, elle l’est avec l’homme qui partage son quotidien, un alcoolique notoire qui ne va pas se gêner pour la tromper sous ses yeux ou encore avec les dirigeants de l’usine qui veulent renégocier le salaire des ouvrières à la baisse. La révolte de Ramona face à ses supérieurs se solde par un licenciement qui l’oblige à déployer les forces qui lui restent pour trouver un nouvel emploi. L’angoisse et le désespoir du personnage sont palpables dans les scènes au rythme effréné où elle part en quête de sa survie.

         

Sa rencontre avec un veuf bougon chez qui elle trouve du travail constitue le point d’inflexion du film et un tournant dans la vie de Ramona, et s’inspire de faits réels. Le rythme ralentit, comme pour signifier l’apaisement qui gagne peu à peu cette femme. Les deux êtres brisés par la vie s’apprivoisent mutuellement dans la deuxième partie du film, comme cela est suggéré avec la métaphore du chien du veuf, envers lequel Ramona exprime une grande tendresse. L’évolution de l’intériorité du personnage est également manifeste dans les scènes où elle se regarde dans un miroir, examine son corps, se questionne sur sa féminité, scènes au cours desquelles la caméra privilégie les plans rapprochés ou gros plans. La scène finale confirme le voyage intérieur de cette femme que nous avons suivie tout au long du film. Elle qui affirmait dans une des scènes d’ouverture : « Moi, je bouge pas d’ici » opte finalement pour un choix de vie totalement inattendu et radical, qui laisse le spectateur en proie à des ressentis contradictoires.

         

Emilie Parlange


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