Films
Une fiction ? Une histoire ? Un récit ? Un témoignage ? C'est tout cela réuni. La réalisatrice Paz Encina (Hamaca paraguaya, 2006; Ejercicios de memoria, 2016) nous donne une opportunité des plus précieuses et uniques de faire une rencontre profonde avec l'Autre. La communauté des Ayoreo-Totobiegosode, située dans la région du Gran Chaco au Paraguay est décimée par les coñones et/ou menonnites de la déforestation. Un « déplacement », voici le terme fréquemment employé mais un terme insensé pour nommer le génocide.
Peu d'humains, des centaines d'animaux perceptibles par leurs cris, des milliers de végétaux qui crissent, s'effleurent ou brûlent du début à la fin du film. De la musique environnementale, une force sonore naturelle rarement disponible au cinéma. Un montage qui ne se prive pas de suggestions autant que de risques narratifs dont la puissance évocatrice nous inspire tellement de respect envers les victimes qui sont, finalement, nous aussi. Paz Encina montre la Dignité victime de notre barbarie.
Empressez-vous de voir ce film. Cherchez-le, rattrapez les salles qui oseraient le projeter, contactez les festivals qui l'ont déjà programmé ou pensent le faire (28 novembre, diffusé sur ARTE). Profitez également de la rencontre qui s'était tenue à la Fondation Cartier pour l'art contemporain en décembre 2018 (à visionner ici). Ne passez pas à côté de ce chef d'œuvre cinématographique et sociologique.
Un film écrit depuis le son, depuis l'enfant, la femme, l'homme et ses dieux. Un film d'une terre qui parle, tatouée sur le corps de ceux qui l'habitent. Une terre dont on ne peut se détacher car elle est nous et nous sommes elle. Tout le contraire d'un mirage, d'un décor, d'une expression. Paz Encina nous a construit un pont avec cette terre, il est impossible de regarder et d'écouter ailleurs.
En cette période ou nous inventons des presqu'îles de marbres, à l'heure où les caméras sont tournées vers le jeu, là-bas, au Paraguay, la vie est en danger., et tellement qu'elle demande à être en "isolement volontaire". La vie libre est en voie de disparition. Et là-bas, c'est ici aussi.
Heureux ceux qui verront Eami. Heureux les spectateurs qui garderont les yeux grands ouverts, l'ouïe affinée et les mains réceptives. Heureux ceux qui entendront la geste cinématographique de Paz Encina, celle qui éclaire les mémoires de tous.