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Affiche

Mon pays imaginaire

Un Film de Patricio Guzmán
Documentaire | Chili, France | 2022 | 1h23
Pour ELLES.
Le troisième volet d’une trilogie documentaire cinématographique annoncée par le cinéaste chilien fait sa sortie dans nos salles le 26 octobre 2022. Nous l’attendions avec grande envie. Des espoirs se portaient sur quelques pistes mais rien de certain. Le génie de Guzman réside en cela. Nous savons le genre qu’il pratique, son dispositif mais l’angle de vue, l’approche des sujets, les voix qu’il portera à l’écran… jamais. Il était temps de les filmer, elles, les chiliennes, elles, les femmes qui sont descendues dans la rue pour rappeler que les hommes et les femmes valent mieux que ce que le gouvernement décide.

Guzmán nous rend un travail empreint de fraîcheur. Non pas tant que le dispositif du documentaire soit différent des précédents titres mais par le choix des images montées. Un peu moins dans la contemplation et bien plus sur le direct à filmer le vivant en transformation. Ce corps du peuple prend ici le visage et les voix des femmes de son pays.

« Filmer la première flamme »

En direct, elles sont aussi filmées sur le terrain des manifestations, du mouvement social. Elles parlent, moins comme des témoins, plus comme des éléments moteurs de cette révolution. Des femmes dans l’action qui verbalisent la nouvelle et résonnante révolution chilienne. Comme une évidence, Guzmán ne rétablit pas l’équilibre des genres mais bien la lumière sur le battement originel de la fracture : les femmes occupent l’espace public, les micros des journalistes, les places de Santiago où l’on exige la justice.

Par le documentaire Mi país imaginario, nous aurons l’opportunité d’écouter l’éclatement social du 18 octobre 2019 des jeunes, des idées, déterminés, unis, sans chefs ni idéologies. C’est ainsi que le précise le réalisateur dans sa note d’intention : « j’ai enquêté sur ce mystère, j’ai filmé son effet sur l’ambiance, sur l’air, sur les émotions et les sentiments des gens de mon pays ». Il était avec elles et eux, il a enquêté. La caméra de Guzmán, ici, redevient celle de ses premiers films (La bataille du Chili), le cinéaste-journaliste au service de son peuple pour faire voir, connaître, transmettre.

Ainsi, plus de onze héroïnes des temps modernes interviennent entre les images filmées du terrain, des photographies donnant un rythme inédit au dispositif choisi pour ce documentaire, et les commentaires du réalisateur qui tendent à souligner le réveil qu’il observe, l’indignation sociale, les actes du gouvernement et les faits violents des forces institutionnelles, nous accompagnant toujours avec bienveillance et clarté vers son point de vue, vers le rêve incarné en la victoire de Gabriel Boric : « le vieux rêve populaire d’une société plus juste s’est réveillé. Pour moi c’est un espoir comparable, même si on ne sait pas encore comment ni s’il se concrétisera » (cf. Entretien avec le réalisateur, Pyramide Distribution).

« Il y a des flammes qui brûlent et il y a des flammes qui alimentent » (cf. Mónica González Mujica).

mpijeupressephotosite Flammes petite

Nous retenons, comme une source d’inspiration, des mots de quelques-unes des femmes interviewées par Guzmán : la première précisant « Je ne suis pas dans la politique. […] Nous sommes tous en première ligne. […] Nous nous bougeons parce que nous avons besoin de lutter. », la deuxième ajoute : « Nous sommes tous dans la rue car le système nous opprime et pour la dignité ». Intervient Nona Fernández (auteure de Space invaders, 2013, El cielo, 2000) qui évoque le soulagement et le « chaos merveilleux », « l’effervescence », « l’incendie ». Puis la photographe Nicole Kramm (#balascontrapiedras) rappelle que sa caméra, que toutes les caméras, sont des cibles d’intérêt, que nombreuses sont les victimes qui ont perdu des yeux par les armes des policiers. Kitty, sauveteuse volontaire pense qu’elle aura toujours peur de l’autorité et que la population a dû s’armer, précairement, car le danger était imminent. S’ensuit Mónica González Mujica (Prix Ortega y Gasset en 2020, journaliste et écrivaine) qui souligne qu’un an après la révolte, les lois pour le peuple et principalement les femmes, n’existaient toujours pas, que les femmes nécessitent urgemment de l’aide. Plus en avant, c’est María José Díaz, cheffe de campement, qui dira « l’Etat est responsable ». La cinéaste María José San Martín confirme qu’on leur a interdit beaucoup de choses, qu’on leur a donné beaucoup d’opium et que « les changements sociaux importants tardent beaucoup mais qu’ils seront pour les générations futures ». La politologue Claudia Hess évoquera la répression et la violence militarisée. Natalia Henríquez, médecin, précisera en quoi l’indignation consiste. Il y a aussi le collectif Las Tesis et leur chanson « le violeur, c’est toi » pour rappeler encore et toujours que le système précarise les femmes et tous les autres.

Nous remercions Patricio Guzmán pour ce nouveau chef d’œuvre et restons militants des révolutions pour la dignité et la justice pour toutes, ici et ailleurs.

Manif Petite

Marie-Ange Sanchez


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