Films
Il s’agit d’un « Objet Filmique Non Identifiable », ou en tout cas inclassable selon les codes traditionnels. On a tantôt l'impression qu'il s'agit d'un drame, tantôt d'une comédie, voire parfois même d'un documentaire. Mais ce qui surprend, c'est l'intégration originale des éléments relatifs à la science-fiction. En effet, le réalisateur va à l'encontre de la logique des effets spéciaux, ce qui laisse la part belle aux éléments du réel, du quotidien, de l’univers mimétique. Or, dans les films de science-fiction, l'esthétique repose justement sur le dosage équilibré entre les éléments qui permettent de créer l'effet de réel auquel va s'identifier le spectateur, le cadre de référence de l'univers vraisemblable immédiat, et la présence plus ou moins problématique d'éléments scientifiques futuristes. Car la science-fiction n’obéit pas seulement au régime des motifs typiques tels que les robots, les extraterrestres ou les vaisseaux spatiaux. Ici, loin de ce cliché, l'absence matérielle de ces êtres ne fait que révéler en creux leur présence parmi nous. C'est ce brouillage de frontières qui constitue l'une des originalités du film.
Le tournage a eu lieu dans la ville du réalisateur, Elche, c’est-à-dire loin des capitales, des quartiers des grandes villes espagnoles. Et les lieux filmés sont les intérieurs des logements, les bars, les boutiques, tout ce qui est susceptible de générer un sentiment d’identification, puis d’inquiétante familiarité lorsque l’insolite s’insinue dans l’ensemble. On a donc l’impression d’un film expérimental, d’un collage de micro-histoires, celle d’une famille de disparus, celle d’un groupe de passionnés d’événements paranormaux, celle d’un gérant de bar : des quotidiens qui se croisent et s’entremêlent. De ce patchwork, il résulte pourtant un effet homogène, dû notamment au travail avec les acteurs non professionnels, qui confèrent une fraîcheur et une spontanéité à l’ensemble et déclenchent également cet effet de décalage.
Ce qui surprend dans le film, c’est l’atmosphère de malaise qui se dégage peu à peu, à mesure que l’on avance des hypothèses interprétatives : le fil directeur de l’œil, décliné selon plusieurs motifs et que le spectateur de cinéma, voyeur s’il en est, peut suivre dans cet étrange labyrinthe, nous mène à une conclusion désespérément humaine et réelle.
Le rythme lent laisse la part belle à ces images du quotidien du cadre de vie de ces personnages simples, passionnés d’ésotérisme jusqu’au bout des ongles. Les plans fixes imposent un rythme lent, celui de la contemplation. On pense parfois à la séquence « No hay banda » de Mulholland Drive de David Lynch, et dans cet univers détonant, le spectateur reconstitue le puzzle et peut avoir besoin d’un deuxième visionnage pour saisir au mieux les enjeux de ce film simple, mais ô combien efficace, pour révéler que la mise à distance du monstre, que l’on enferme, pour se rassurer, dans une altérité venue d’une autre planète, est nécessaire pour constater que cet être est potentiellement présent en chacun de nous.