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Un Film de Miguel Coyula
Avec Lynn Cruz, Carlos Gronlier, Héctor Noas, Mariana Alom, Fernando Pérez
Science fiction | Cuba | 2021 | 1h 44min
Cinélatino 2022
Corazón azul
Miguel Coyula : auteur interdit dans son pays depuis 2017, films interdits. Avec la fiction, on en dit long. Avec la science-fiction, il va au bout de ses films, de leurs messages. Le réalisateur me fait penser au tableau de Velázquez, les Ménines. Le peintre se met sur la scène et la crée en tous points de vue. Le réalisateur devient aussi acteur et une Cuba où les fils prodiges se révoltent, s'unissent et luttent contre un système barbare.
« L'homme nouveau » de Fidel Castro

Pléthore d'acteurs apparaissent aux crédits de fin car le film a été tourné sur une dizaine d'années avec les moyens du bord, avec les libertés fluctuantes et toujours opprimées de l'équipe cinématographique et de ses collaborateurs. Des acteurs qui ont disparu au fil des mois et des années, d'autres qui se sont engagés dans ce projet, d'autres encore qui ont dû s'en écarter ne serait-ce que par à-coups... mais tous ont participé à la construction de ce film uchronique où Cuba est autre, « dégénérée » par les aspirations idéologiques et scientifiques de Fidel Castro.

Ce gouvernement, grâce à l'entreprise ADN21, a réalisé des expériences sur la génétique. Des êtres nouveaux sont nés. Ils devaient constituer l'homme nouveau de l'idéologie du Lider Maximo. Ils sont devenus bien plus : des êtres aux apparences humaines, désireux de s'émanciper et d'obtenir la reconnaissance de leur identité, de leurs origines et de leurs aspirations. Des fils prodiges qui se montreront dans une extrême quête de justice.

L'amour au temps des mutants, la folie au temps des dictateurs.

C'est avec ces « autres » que le réalisateur construit une dystopie où les médias et le paysage, tout autant réalistes les uns que les autres, sont le fruit d'un montage-collage. Nous applaudissons le travail de « dentelle » qui nous bouscule et nous met sans cesse dans le doute quant à l'identification des épisodes historiques, des sources et des archives égrenées avec beaucoup d'intelligence et d'efficacité sur tout le métrage. Pour comprendre l'ampleur de la prise de position, dans la lignée du cubain Tomás Gutiérrez Alea avec Memoria del subdesarrollo ou Hombre mirando al Sudeste de l'argentin Eliseo Subiela, rappelons que non seulement les images des politiciens- clefs de Cuba font partie du film (Raúl et Fidel Castro) mais aussi des figures plus contemporaines comme Barack Obama, Donald Trump, Rex Tillerson et Miguel Díaz-Canel. De quoi savourer les inclusions piquantes de leur discours.

La Cuba ensoleillée, à la fois humide et torride revêt ici des couleurs grises et des températures plus froides. Les couleurs n'ont plus l'exotisme qui pare les guides touristiques mais c'est bien le décati des murs, sols et édifices « carcasses » qui participe à l'ambiance fantomatique du film.

Les archives de journaux télévisés, de journaux écrits et de messages médiatiques, provenant de Cuba et d'ailleurs, sont troublantes tellement elles ont été réalisées méticuleusement.

Les détails sont soigneusement travaillés tout comme les scènes où les mutants s'exaltent, échangent, s'égarent ou tuent, malgré eux ou volontairement. La lumière des intérieurs est précise. Des séquences relèvent d'une expression visuelle hautement poétique. La photographie est sublime.

Corazón azul est une pépite pour les amants des expressions singulières et engagées, dénonciatrices et libertaires à la fois. Nous remercions Miguel Coyuela, le pluriartiste, et toutes les personnes ayant participé au film. Les risques et la persévérance en valaient la peine.

Bienvenus au festival Cinélatino de Toulouse 2022 !

Le 30 mars 2022.

Film v au festival Cinélatino de Toulouse en mars 2022.

Marie-Ange Sanchez


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