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Affiche

Clara Sola

Un Film de Nathalie Álvarez Mesén
Avec Wendy Chinchilla Araya, Daniel Castañeda Rincón, Ana Julia Porras Espinoza, Flor María Vargas Chaves
Drame | Costa Rica - Espagne – Suède - Belgique - Allemagne | 2021
Clara Sola : une ode à la force féminine
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2021, ce premier film de Nathalie Álvarez Mesén, jeune réalisatrice suédo-costaricienne, a rencontré un vif succès. Considéré comme un film féministe, ce long métrage dénonce le poids du patriarcat et de la religion qui pèse sur les épaules des femmes et qui se transmet de génération en génération. Un éveil sensuel et spirituel dans lequel l’actrice principale, Wendy Chinchilla Araya, fameuse danseuse costaricaine, illumine l’écran par son interprétation.

Dans un décor presque fantastique au sein de la forêt du Costa Rica, Clara vit avec sa nièce et sa mère. Sous le joug d’une mère “castratrice”, Clara vit presque comme une prisonnière. Emprisonnée dans son propre corps et emprisonnée dans cette maison où elle doit impérativement rester dans un périmètre délimité par des rubans violets. Elle souffre d’une scoliose mais sa mère refuse l’opération qui pourrait grandement améliorer sa qualité de vie, sous prétexte qu’elle veut la rendre à Dieu comme ce dernier la lui a donnée. Par ce refus, cela lui permet de garder la main mise sur sa fille et de continuer à l’utiliser comme guérisseuse.

Le thème de la religion est très présent dans le film. Les gens du village et des alentours se rendent chez les trois femmes pour se faire soigner et obtenir la bénédiction de Clara qui aurait le don de les guérir grâce à l’aide de la Vierge Marie. Mais Clara ne veut pas de tout ça et elle subit ce qu’on lui impose. Totalement dépendante de l’emprise exercée par sa mère, Clara aspire à d’autres choses mais sa mère en a décidé autrement et elle doit se plier à des exigences qui ne la laissent pas exprimer ses propres envies et besoins. Le paraître est important et il ne faut surtout pas s’éloigner des attentes qui pèsent sur elle et sur son don sacré.

Le poids du patriarcat est omniprésent dans le film. Bien qu’il soit le fruit d’une oppression masculine, il apparaît ici à travers la figure de la mère autoritaire : résultat d’une éducation transmise de mère en fille et jamais remise en cause. C’est ainsi que sa mère refusera toujours d’écouter les envies de sa fille. Lorsque celle-ci souhaite garder ses cheveux détachés, elle refuse sous prétexte qu’avec les cheveux détachés elle ressemble “à un lion”. Elle ne doit pas non plus voler les clous de girofle car cela la rend laide ou encore elle lui enlèvera son rouge à lèvres et lui ordonnera de ne pas danser pour ne pas se ridiculiser. Autant d’injonctions qui pousseront Clara à se libérer de cette emprise étouffante et toxique dans un final brûlant où le face-à-face entre Clara et la statue de la Vierge Marie est saisissant tant nous pouvons lire du défi dans les yeux de Clara. Défi de s’affranchir de ces conventions, défi de vivre enfin pour soi.

L’autre aspect important du film est celui de l’éveil au désir et à la sexualité. Seule figure masculine du film, Santiago est l’objet de tous les désirs. María, la nièce de Clara, exprime très clairement son attirance pour le jeune homme. Bien que plus discrète et davantage en retrait, Clara est elle aussi attirée par le jeune homme et à son contact, des pulsions et des désirs enfouis refont surface. Mais comme pour le reste, et peut-être même encore plus, sa mère veille et tente de contrôler les pulsions de sa fille. Lorsqu’elle la surprend en train de se caresser devant leur feuilleton quotidien, elle n’hésite pas à lui infliger la punition de tremper ses doigts dans de la purée de piment afin de lui faire passer l’envie de se caresser et d’avoir du plaisir. Mais cela n’arrête pas Clara et malgré les tentatives de la vieille femme de “la libérer de tout pêché et de ce serpent qui la tourmente”, Clara ira au bout de ses désirs.

Le rapport à la terre, à la nature et aux animaux est un élément très présent et important dans le long métrage. Le lien tout particulier - quasiment mystique - qui unit Clara à sa jument Yuca est très beau. Clara sait parler aux animaux et avec eux, elle se sent bien, libre d’être elle-même. La photographie du film est magnifique et apporte presque une touche de fantastique et de magie, à l’image de cette scène où Clara, allongée au creux d’un arbre sur un lit de feuilles, s’adonne au plaisir en solitaire et parvient à l’orgasme en plein milieu d’une nature féérique avec des lucioles qui l’entourent. Une très belle scène qui marque un tournant dans sa vie de femme.

Avec Clara Sola, Nathalie Álvarez Mesén nous offre un premier film plein d’espoir et d’une rare beauté où la force féminine l’emporte face aux poids des traditions religieuses et patriarcales.

Film vu aux Regards de Valence - 16 Mars '22
Sortie nationale le 1er juin '22

 

Agathe Ripoche