Films

Affiche

Daniel Lagares et Mariano Agudo
Documentaire | Pérou, Espagne | 2018 | 1h15
Le silence de nos parents est celui de nos enfants
Les récits sur la guerre et les conflits internes sont très présents dans le monde, et en particulier dans les pays hispaniques. Depuis de nombreuses années, la parole se libère en Espagne ; les films et autres récits sur la guerre d’Espagne se multiplient. En Argentine, les Mères de la place de Mai continuent à chercher leurs disparus durant la dictature qui a pris fin en 1983 ; le film Enfance Clandestine relate cette tragédie. Le Pérou ne déroge pas à la règle : le conflit armé a commencé en 1980. Des milliers de personnes furent tuées : Daniel Lagares et Mariano Agudo interrogent les acteurs et les victimes de cette guerre.
Le documentaire part à la recherche des témoins et des disparus au plus près de la population. Il n’était pas facile de filmer et de faire cohabiter dans un film des personnes au vécu et à l’histoire si différents : une survivante d’un village, celui de Chungui, Ayacucho, où tous les villageois ont été massacrés, un homme ayant fait partie de la guérilla, un autre ayant également fait partie de la guerrilla avant d’être enrôlé par l’armée. Comment survivre après ces drames ? Les récits sont durs, souvent très durs, même : viols, assassinats, tortures. Les veillées de l’armée, pendant la nuit, où le soldat est exécuté sans aucune pitié s’il s’endort, est l’un de ces sordides récits. Certaines scènes sont fortes : les exhumations des fosses communes, les accessoires vestimentaires qui aident à identifier les cadavres, l’interrogatoire devant un policier, la plage où le père de l’un des protagonistes a été exécuté. Les récits sonnent juste, certains sont poignants et universels : « pourquoi certaines personnes font de telles choses à d’autres personnes ? ».

La búsqueda, un documentaire très réussi, cherche à exhumer les fantômes du passé afin de les exorciser, 30 ans après. Chacun cherche à retrouver la tranquillité, à retrouver aussi bien ses proches que le repos durant la nuit en racontant ce qu’il a vécu. Cette histoire racontée se complexifie avec la personne de Lurgio Gavilán qui a vécu l’horreur dans les deux camps avant de rejoindre les ordres. Son livre, Memorias de un soldado desconocido: autobiografía y antropología de la violencia (Mémoire d’un soldat inconnu : autobiographie et anthropologie de la violence), publié au Mexique, relate les différents récits de sa vie, comme une quintessence de la vie d’un pays. Cet homme a vécu l’horreur dans les deux camps ; la nécessité de la parole est vitale. Comme tous les films sur la mémoire, le silence autour des faits passés doit être brisé ; la parole devient thérapeutique, c’est la seule capable de construire une société plus saine, une société qui fait face à son douloureux passé. Le pays, les pays, cherchent une reconnaissance aussi bien individuelle que collective. Au Pérou, comme ailleurs dans le monde, des milliers de personnes cherchent toujours leurs proches disparus. En cela, La búsqueda est un formidable témoignage. L’image culminante est, sans doute, cette cérémonie funèbre, avec tambours et trompettes, avec chants : l’enterrement des victimes, enfin, trente ans après, par les autorités et la plaque remise à Dolores Guzmán pour son aide apportée à cette quête de vérité est sans doute le signe d’une société qui cherche à dépasser ses stigmates. Comme le dit José Carlos Agüero, le poète personnage du film, grâce à la parole, le cycle de la haine se brise. En ce sens, ce documentaire est éminemment universel et nécessaire.

En avant-première au Festival Reflets de Villeurbanne (Septembre '20)
Pas de date de sortie prévue en France

Aurore Kusy