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La danse du serpent

Un Film de Sofia Quiros Ubeda
Avec Smashleen Gutiérrez, Humberto Samuels, Hortensia Smith
Drame | Costa Rica, Chili, Argentine, France | 2019 | 1h 22min
4 nominations Semaine Internationale de la Critique Cannes 2019, 1 nomination Caméra d'Or Festival de Cannes 2019
La danse de la mémoire
Un film qui a vu sa sortie décalée à plusieurs reprises et que l'on peut enfin voir dans les salles françaises ce mercredi 4 mars. La danse du serpent (Ceniza negra) nous vient de la Semaine de la Critique de Cannes 2019 grâce à Eurozoom Distribution.

Film aux quatre nationalités (Costa Rica, Argentine, Chili et France) que la réalisatrice et scénariste Sofía Quirós Ubeda réalise en 82 minutes hypnotiques au milieu des cendres noires que laisse derrière elle Selva (Smachleen Gutiérrez), en pleine expérience du passage de l'adolescence naïve à l'âge des responsabilités.

Le bleu de l'affiche invite aux songes. C'est de cela dont il s'agit avec La danse du serpent. Nous évoluons dans un paysage végétal propice à la contemplation. Le rythme du montage (Ariel Escalante Meza) est en phase avec les pistes narratives esquissées dès le début. Nous sommes à la hauteur de Selva (qui veut dire forêt ou jungle en français), 13 ans, dans la maison de son grand-père (Humberto Samuels), située sur une côte des Caraïbes. Oscillants entre les rencontres mystérieuses pour les spectateurs mais familières pour le personnage et les observations anthropologiques de la faune et de la flore, nous contemplons les mouvements et aspirations des habitants de la région. Cette ouverture plus sociologique est conduite par un autre personnage clé : Elena (Hortensia Smith). Cette dernière ouvre le récit sur un espace social décadent où circulent la drogue, l'alcool et la pauvreté. Quelques lueurs d'espoir, malgré tout, sur les visages des jeunes ados avides de nouvelles expériences mais pourtant déjà au pied du mur des responsabilités à assumer. Selva devra elle aussi s'adapter au milieu qui lui servait jusqu'alors de refuge pour en sortir grandie et entreprendre un autre chemin, le sien à elle seule.

Avec La danse du serpent, l'on ne peut véritablement parler de narration mais plutôt de suggestion, de galerie de portraits et paysages, d'un imaginaire qui devient cinéma. C'est un film qui prend racine dans la mémoire tendue entre l'individu et le collectif, et imbibé d'une moiteur progressive. Les ombres chinoises progressent au fur et à mesure que l'inévitable approche. Le basculement de la relation de Selva avec son grand-père est une soyeuse métaphore de ce que Selva est capable de faire pour les autres et donc de ce qu'elle sera capable de faire pour elle-même. Elle sort de son égocentrisme adolescent pour aller vers la responsabilité qui libère. Les personnages sont cadrés dans les bords de l'écran (Francisca Saéz Agurto) comme pour mieux les préserver de tout jugement. Ce voyage initiatique aux accents de langue maternelle des peuples des origines nous transporte vers des éléments magiques... malheureusement tout juste évoqués. Nous aimerions en savoir plus car de nombreuses traces narratives sont laissées sur la grande toile. La photographie est envoûtante et la caméra est le point fort de la mise en scène : gros plans, plans fixes sur les corps qui, par la durée des plans, deviennent racines et autres matières végétales.

La danse du serpent pèche en narration plus affirmée. L'option de la poétique de l'image et du son (Christian Cosgrove et Wissam Hojeij) semble avoir primé dans les décisions artistiques de la réalisatrice. Un regard personnel déjà abordé dans son court-métrage Selva sélectionné à la Semaine de la Critique en 2017. Ici, son premier long-métrage effleure le documentaire sur la province de Limon au Costa Rica et la mise en image des contes fantastiques d' Horacio Quiroga. Nous resterons attentifs aux prochains travaux : la force des corps et des expressions des acteurs non-professionnels sera peut-être la prochaine aventure cinématographique de la prometteuse réalisatrice.

Marie-Ange Sanchez


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