Avant d'entrer en salle, on pense au fantastique des morts-vivants, des esprits ou des fantômes. Habitués à ce genre, nous en oublions presque la finesse de nombreux cinéastes mexicains dont les films nous parviennent bien plus souvent dans des festivals que sur la grande toile, malheureusement. Mais il s'agit de bien autre chose avec Ils reviennent... Issa López, réalisatrice et scénariste de cette fable imprégnée par son expérience personnelle d'orpheline de mère, explore un thème qui n'est pas mis au service du genre fantastique. C'est bien le genre qui est mis au service de la thématique : des vérités contées dès le début, une réalité transmise par les atouts du 7ème Art, la survie des enfants du Mexique qui détruit.

Tout commence dans une salle de classe. L'enseignante questionne les élèves sur les composants d'un conte. Ils répondent, sans crainte et avec plaisir : beau pacte narratif qui ouvre le récit et belle métaphore de l'éducation qui peut offrir les armes contre la Barbarie.

Tout bascule rapidement. Des enfants, de la violence, une ville. Des actes surnaturels, des sursauts de nuit comme de jour, des fantômes abîmés. Ils reviennent... c'est l'histoire des nouveaux guerriers : les enfants qui échappent aux Huascas, les enfants des parents torturés, les enfants des voisins assassinés.

Il était une fois des prédateurs trafiquants de drogues, d'armes et d'êtres humains. Il était une fois les Huascas, les nouveaux monstres que les enfants doivent combattre, seuls, au quotidien. Une ville rongée par la corruption, une politique destructrice de la société plurielle. Une Barbarie sur Terre. Les gavroches, choisis parmi les 600 enfants castés, sont : Estrella (Paola Lara), Shine (Juan Ramón López), Tucsi (Hanssel Casillas), Pop (Rodrigo Cortés), Caco (Ianis Guerrero), El Chino (Tenoch Huerta). Ils s'adonnent avec prouesse au jeu de la caméra d'Issa López : ils maîtrisent les mots, les déplacements, l'authenticité de la nuance "actorielle".

Ils sont une bande de copains, connaissent et identifient déjà la palette des sentiments, ressentis, émotions des Hommes. Ils savent ce qu'est la mort, ils l'ont vue et la fuient. Ils osent demander de l'aide mais à l'ère de l'ultra-violence, les adultes fuient et ne se retournent pas. Ils sont seuls et dignes. Ils sont les tigres qu'ils peignent sur les murs décatis, ils s'animent à la tombée de la nuit pour comprendre malgré tout le fonctionnement des innommables. Ils dorment dans des bâtiments à ciel ouvert, autour du feu, rêvant et cauchemardant à la fois. Ils survivent.

Le film propose un nouveau mythe : l'origine du courage. Les épreuves initiatiques que les enfants doivent traverser en feront tomber certains mais tous parviendront à guider la liberté. Une seule survivante à son tour l'histoire des tigres qui ont pu un jour donner aux Morts les armes de la justice, las Golondrinas (= les hirondelles).

Un film que nous ne saurions trop dévoiler pour ne pas vous ôter l'expérience de la découverte de l'imaginaire d'Issa López. Nous vous le recommandons car il raconte une histoire inoubliable et fondatrice.

• Issa López :

Prix du roman national en 2007.

Scénariste de 11 longs-métrages.

Réalisatrice de 4 de ces scénarios : Efectos Secundarios (2006), Casi Divas (2008), Vuelven (2017) et Todo Mal (2018).

2018 : Réalisatrice de la 2ème saison de la série Britannia.