Films
Nobody's watching
Nico passe quelques auditions, est le baby-sitter du fils de son amie, côtoie d'autres migrantes « latinos » dans les jardins de jeux, occupe un canapé convertible dans le salon d'une jeune monteuse cinéaste, est barman dans un bar perché sur les toits de Manhattan, se déplace en vélo, combine des stratégies pour survivre tant bien que mal à l'adversité quotidienne.
Il espère percer dans sa ville d'accueil et se rend compte finalement qu'il a pris l'air pour mieux revenir chez lui, à Rosario. Julia Solomonoff nous présente un acteur sensationnel dans le rôle complexe de celui qui est parti. Le spectateur partage ses péripéties non dès son arrivée à New York mais quelques mois après sa prise de nouvelles décisions. Il ne s'est pas marié avec lui a permis de prendre ce nouveau chemin, un jeune pseudo-artiste, il pense encore à son ex, le producteur de la fameuse série, et n'arrive pas à s'engager dans un climat qui s'impose comme inhospitalier. Son environnement est fait de jugements, de médisances et d'instabilités.
Julia Solomonoff filme New York depuis le point de vue de son protagoniste, la ville n'est qu'un moyen pour dire son étrangeté et les obstacles intérieurs et extérieurs à son intégration adéquate . La mise en scène écletique de Guillermo Pfening lui permet de nuancer un personnage qui pourrait nous sembler archétypal ; il a notamment reçu le Prix du meilleur acteur au Tribeca Film Festival en 2017 pour ce travail. Outre la photographie extrêmement soignée du film (Lucio Bonelli), l'esthétique du film s'éloigne des plates comédies nord-américaines grâce à quelques insertions narratives de plusieurs lectures. Ainsi, les jeux avec les caméras de surveillance d'une épicerie dans laquelle Nico « se sert » renvoient au concept même de l'invisibilité de l'Homme dans une société capitaliste. Le jeune enfant, dont il a de temps à autre la charge, installe subtilement la notion de la durée et du caractère bienveillant de Nico. Ses rapports sociaux sont marqués par la séduction, les intérêts personnels, la domination de l'autre mais aussi par la solidarité et la recherche du bonheur : les dialogues sont pesés et montés de manière cohérente (Andrés Tamborbino, Karen Sztanberg, Pablo Barbieri au montage). La réalisatrice propose avec légèreté une galerie de personnages secondaires qui donne beaucoup de fraîcheur au sujet. Elle rend indirectement hommage à certains comme les dames de service et en ridiculise d'autres (les agents et producteur du cinéma, la bourgeoisie issue de l'émigration hispanique ou européenne, le formalisme de la jeunesse alternative). Nico fait ce qu'il peut quand il peut. Il était une étoile brillante d'une série populaire en Argentine, il est devenu le sans-nom à New York et se réinventera une vie qu'il se forgera lui-même, fort de son expérience de l'ailleurs.
Julia Solomonoff, avec sa coscénariste Christina Lazaridi, traite du thème de la recherche de soi via le parcours commun de nombreux hispaniques : la conquête des Etats-Unis. Nobody's watching est inspiré directement de l'expérience de la réalisatrice. Elle traite de l'hispano-américain blanc qui tentera sa chance pour mieux s'éloigner d'une étiquette insoutenable construite par le star-système des telenovelas. Par l'expérience de l'anonymat, il reviendra, prêt à vivre sa propre vie.