Films
Maite Alberdi a posé ses caméras dans une école pas comme les autres. Pendant un an, dans une institution privée chilienne, elle a filmé le quotidien de travailleurs atteints du syndrome de Down. Le sujet a touché personnellement la réalisatrice chilienne: sa tante était atteinte du syndrome.
Une esthétique superbe
La caméra prend le temps de filmer de près ses sujets et n’est pas avare des gros plans. L’image ne cache pas les visages des protagonistes, au contraire elle s’attarde sur les singularités de chacun, on en découvre toute la diversité. Ce n’est pas un regard voyeur, bien au contraire on en découvre toute la beauté humaine : les rides du temps de celui qui a vécu, les larmes de l’être perdu, mais ses joies aussi. Notons également la limpidité de l’image, on semble être finalement dans un monde quasi féérique. Les préparations gastronomiques des élèves deviennent de véritables joyaux, certaines scènes sont très colorées, une vie douce, heureuse et épanouie. Comme le souligne la réalisatrice dans une interview, sur son emploi des gros plans parmi ce groupe de travailleurs, c’est ‘’une invitation à entrer dans ce groupe pour en saisir toute la diversité.’’
Un docu-fiction
Certes Maite Alberdi s’est rendue dans l’école pour filmer le quotidien de vraies personnes et non pas d’acteurs. Le placement de caméra, souvent fixe, laisse peu à peu place à une véritable histoire qui se crée sous nos yeux. Le discours est certes documentaire, distillé au cours des scènes : le rejet de ces gens-là par rapport à la vente de leurs gâteaux, la possibilité de devenir indépendant, de se marier, de fonder une famille, le poids de la famille dans les choix ; mais il glisse souvent vers la fiction, on aime à suivre l’histoire d’amour de certains, le machisme d’autres, l’ambition professionnelle et personnelle aussi… Ce ne sont pas des ‘’anges’’ mais des individus à part entière, avec leurs propres désirs, leur propres aspérités, comme tout un chacun. Ils sont natures, n’ont pas de filtre face à la caméra.
Face aux autres
La documentariste a fait le choix ne jamais montrer réellement à la caméra les personnes qui échangent avec les protagonistes. Par cette prise de position, le spectateur est avant tout concentré sur ces personnes vivant avec le syndrome de Down au quotidien, mais grâce à cet intéressant jeu de cache, il est aussi amené à réfléchir sur la relation qu'entretiennent les gens qui les cotoient. On découvre l'importance des membres de l'école-atelier, des familles aussi. Surgissent alors des questions essentielles pour ces adultes qui construisent leur vie, qui désirent être enfin indépendants. C'est peut-être cela le message essentiel du documentaire : quelles solutions apporter pour qu'ils puissent vivre avec le plus d'autonomie possible.
L'école de la vie est en tous points un documentaire particulièrement réussi qui, au fil des saisons, suit le quotidien de cette bande de copains trisomiques qui se connaissent déjà depuis 40 ans. Des années qui pèsent, ils aimeraient bien, enfin, vivre une vie autonome, s'emanciper du joug de cette société dont il dépendent tant.