Films
Que Dios Nos Perdone
Le film noir espagnol vit ses heures de gloire : dernièrement, des films comme La Isla mínima (2014), Tarde para la ira (2016) ou encore El hombre de las mil caras (2016) ont prouvé que le cinéma ibérique avait de beaux jours devant lui. Rodrigo Sorogoyen, pour son troisième long-métrage, fait partie dans cette nouvelle vague qui émerge. Il présentait Stockholm en 2013, petite production au budget limité, mais qui a su conquérir ses adeptes. Il sera nominé dans la catégorie du meilleur nouveau réalisateur lors des Goya en 2014 et Javier Pereira, l’acteur principal, recevra le prix du meilleur acteur révélation. On le retrouve ici, dans un registre tout à fait différent où il incarne un serial killer obsédé par les vieilles dames.
Que dios nos perdone a tout d’un grand film policier, non seulement grâce à son intrigue, mais aussi grâce à la qualité du traitement psychologique des personnages. Rodrigo Sorogoyen et Isabel Peña, co-auteurs du scénario, semblent vouloir briser les codes du film noir avec délectation. Ainsi, sur une durée totale de deux heures, l’assassin n’intéresse que les trente dernières minutes ; le reste du film se concentre sur la psychologie des deux détectives. Ceux-ci ne sont, en fin de compte, pas bien éloignés de l’assassin : ils ont chacun leur côté obscur et leurs problèmes. Alfaro est un homme impulsif et violent qui a déjà envoyé l’un de ses collègues à l’hôpital, alors que Velarde bégaye et a des relations problématiques avec les femmes. Tous deux se jettent cependant corps et âme dans la quête du fugitif qui commet des meurtres presque parfaits, sans aucune erreur.
La qualité d’interprétation d’Antonio de la Torre (Velarde) et Roberto Álamo (Alfaro) renforce cette sensation de maîtrise. Les deux acteurs parviennent à interpréter sans la moindre fissure leurs personnages atypiques. Le scénario nous surprend et nous tient en haleine bien que certains pans soient de trop : la descente aux enfers d’Alfaro aurait pu, par exemple, nous être épargnée. Les dialogues sont extrêmement bien pensés et performatifs, aucune parole n’est prononcée en vain et toutes parviennent à renforcer la grande impression de réalisme du film. De plus, les jeux de caméras nous propulsent dans cette ambiance suffocante et sale d’un été 2011 à Madrid, la caméra en main nous captive dans toute la première partie du film alors que peu à peu les plans fixes apparaissent pour nous immerger au plus profond de l’enquête. Le dénouement, ainsi que la traque de l’assassin par le duo de choc, rappellera sans doute à certains adeptes du cinéma argentin le très acclamé Dans ses yeux. Un film à découvrir, sans aucun doute !
Aurore Kusy
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