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Un homme en costume annonce d’un ton grave à un couple qu’il ne peut leur accorder un prêt. Tandis que le mari s’énerve contre le directeur de banque qui n’est autre que son père, le bureau se transforme en chambre et le prêt en soupe que le vieil homme refuse de manger. On comprend alors qu’Emilio perd la tête, mélangeant souvenirs de son ancien travail et présent lié à sa maladie, Alzheimer.
Son fils Juan ne peut plus s’occuper de lui et décide de le placer en maison de retraite. Dans cet univers nouveau, il va se lier d’amitié avec de nouvelles personnes, notamment Miguel, son compagnon de chambre argentin, roublard et désinvolte. Sentiments d’abandon et de dégénérescence entraînés par la maladie deviennent alors le fil rouge de ce film d’animation.
Un sujet sensible et difficile à aborder, pourtant rempli d’humour grâce aux personnages qui usent de tous les stratagèmes pour éviter de rejoindre le deuxième étage tant redouté, celui des « causes perdues ». Le film avance ainsi lentement, au rythme des personnages et de leurs souvenirs qui peu à peu se détériorent. Et des souvenirs, ils en ont plein la tête. C’est d’ailleurs ce qui les réconforte chaque jour, comme ce couple dont le mari est gravement atteint d’Alzheimer mais sourit lorsque sa femme lui souffle à l’oreille « tricheur », lointain souvenir de leur rencontre amoureuse. Ou encore cette vieille dame assise dans son fauteuil, persuadée qu’elle voyage à bord de l’Orient-Express pour rejoindre son mari à Istanbul. Et cette autre femme, terrifiée par les « extraterrestres » qui ne cessent de la poursuivre. Des situations comiques, parfois incongrues, qui animent le quotidien redondant de ces personnes âgées et fait passer plus facilement la pilule, ces médicaments qu’ils doivent avaler tous les jours.
Si le but du film n’est pas pour autant de dresser une critique des maisons de retraite, quelques éléments démontrent néanmoins leur dysfonctionnement. L’endroit n’a rien d’accueillant et ressemble plus à un hôpital qu’à un lieu de repos : des chambres simples avec le strict nécessaire, des couloirs mornes, pas de décoration mais une piscine! « La cerise sur le gâteau » selon Miguel, dont la seule utilité est de donner l’illusion d’un « hôtel 5 étoiles » aux clients, les familles des résidents. Ces familles justement que l’on retrouve uniquement lors de la visite de Noël, nourrissant le cliché d’une maison de retraite comme un lieu d’isolement.
Etonnamment, le titre français La tête en l’air semble même retranscrire davantage l’ambiance du film que le titre original Arrugas, signifiant « rides » en espagnol. C’est comme si la maladie n’était pas si tragique. Une petite lueur d’espoir qui n’est pourtant que passagère puisque les personnages sont un jour ou l’autre rattrapés par leur vieillesse et leur maladie.
Ainsi, Ignacio Ferreras nous laisse apprécier le style classique de la deux dimensions à travers une animation simple et minimaliste, à l’heure où la trois dimensions s’impose toujours plus sur nos écrans. Un choix voulu par le réalisateur, qui considère que « la 2D convient mieux aux histoires plus dramatiques, aux récits plus sérieux ». Un film émouvant avec des personnages dessinés si proches de la réalité qu’on ne peut rester insensible face au « sérieux » de la maladie et de ses conséquences. Le réalisateur n’a d’ailleurs pas manqué de laisser une petite dédicace à la fin du film : « A toutes les personnes âgées d’aujourd’hui et à toutes celles de demain », comme pour nous prévenir, nous rappeler que nous terminerons peut-être comme ses personnages.