Films
Mr Foster
Norberto López Amado et Carlos Carcas
Royaume-Uni, Espagne | 2010 | 1h18
Prix TCM du public du meilleur film européen au Festival de San Sebastián, Grand Prix Documentaires au Festival 2 Valenciennes, Prix du meilleur documentaire au Festival International du film documentaire de Louvain
Un documentaire en apesanteur
Mr Foster nous emmène à la découverte de l'architecte Norman Foster, dont l'œuvre prouve que « les choses utiles peuvent être magnifiques ».
Tous les jeunes anglais nés dans une famille modeste de Manchester ne rêvent pas d'être footballeurs. La preuve, Norman Foster est devenu architecte, et pas des moindres : son cabinet Foster + Partners, monté en 1967, compte plus de 500 collaborateurs répartis dans des agences du monde entier, Foster a remporté plus de 60 concours internationaux et quelque 300 récompenses. Une gloire nationale, à tel point que la reine Elizabeth l'a anobli en 1999. Malgré ce CV impressionnant, difficile pourtant aux néophytes de faire le lien entre celui qui est aujourd'hui Baron Foster of Thames Bank et son œuvre. Un exemple suffira : le Viaduc de Millau, c'est lui !
Mais qu'est-ce qui a amené deux cinéastes hispaniques, Norberto López Amado et Carlos Carcas, à tourner un documentaire sur cet architecte britannique ? Le premier est réalisateur espagnol de télévision depuis 1992. Le second, né à Miami, est le monteur des documentaires musicaux de Fernando Trueba – Calle 54 (2000), Blanco y negro (2003), El milagro de Candeal (2004) – et le directeur de la photographie de Après Béjart, le cœur et le courage, de Arantxa Aguirre (2010). Le lien entre Norberto López Amado, Carlos Carcas et Norman Foster s'appelle Antonio Sanz : photographe, commissaire d'expositions et directeur de Art Commissionners, société spécialisée dans la promotion d'artistes, il collabore étroitement avec la maison d'édition Ivory Press, qui promeut elle aussi l'art contemporain et que dirige l'épouse de Norman Foster, l'espagnole Elena Ochoa. Avec ce documentaire, Art Commissionners débute une série de productions sur les figures-clés de l'art et de la culture au XXIe siècle. Antonio Sanz et Carlos Carcas avaient déjà collaboré sur plusieurs projets avant celui-ci. En 2007, Carcas a notamment été chargé de suivre Foster à l'inauguration de l'aéroport de Pékin et à la remise du prix Aga Khan d'architecture à Kuala Lumpur. Le courant passe entre Carcas et Foster, et c'est durant ce déplacement que l'idée du film prend corps.
Mais comment retracer en 1h18 l'itinéraire d'un architecte largement autodidacte, qui a commencé sa carrière via l'architecture industrielle et les projets « socialement utopiques », a ensuite posé les bases de l'architecture high-tech, a donné naissance à une nouvelle génération de buildings et d'aéroports aux quatre coins du globe, recherchant toujours l'interaction entre la construction et l'espace environnant, ainsi que l'optimisation maximale (faible bilan énergétique, matériaux recyclés, économie de ressources, rejet du béton... d'où le titre), et qui à 77 ans poursuit sa réflexion sur ce que sera l'urbanisme de demain, à travers des villes zéro empreinte carbone comme celle de Masdar aux Emirats Arabes Unis?
Impossible de livrer une biographie exhaustive : les réalisateurs se sont donc attachés à dégager les grandes lignes de son parcours, les choix et orientations qui font sens, la personnalité et les valeurs de l'homme : volonté, détermination, ténacité, implication, passion... Le film est construit de façon classique : la chronologie de la carrière de Foster alterne avec des interviews de lui, des témoignages de ses proches – architectes, collaborateurs, amis – et des images d'archives. Rien de révolutionnaire en somme, ni d'intention critique ou polémique : le propos du documentaire est de faire découvrir celui qui se cache derrière des constructions connues de tous et d'en offrir une première approche, non de lancer un quelconque débat sur le bien-fondé des choix architecturaux de Norman Foster.
Des édifices comme des personnages
L'innovation n'est donc pas à chercher de ce côté-là, mais bel et bien du côté de la mise en scène de son oeuvre. Car comment filmer des bâtiments par définition statiques, autrement dit, comment donner du mouvement à ce qui n'en a pas ? Mr Foster est aussi et avant tout un film qui magnifie l'architecture sans utiliser de mots. Là réside la réussite de ce documentaire qui a nécessité deux ans de travail : il parvient à filmer les édifices comme des personnages et à capter les émotions qui s'en dégagent, depuis des points de vue originaux et inhabituels, en mettant leurs détails en valeur. Le mouvement naît également de la structure narrative qui joue sur les associations d'idées. Ainsi, du premier dessin de Norman Foster enfant – un avion –, on passe de façon naturelle à l'American Air Museum de Duxford au Royaume-Uni, qu'il a construit en 1997, puis au plan d'un avion qui décolle et nous mène au Viaduc de Millau, que l'on survole en une vue imprenable.
En ce sens, les deux réalisateurs ont mis en application l'un des principes de Norman Foster lui-même : l'architecture doit émouvoir, toucher les sens, faire bouger l'esprit. Cela passe par des jeux d'ombres et de lumières, de lignes, de transparence, des angles de vue inédits, des perspectives audacieuses qui exaltent l'œuvre de l'architecte. Le travail sur le cadre et la photographie fait de ce documentaire un bel objet plastique, esthétique, élégant, aussi léger et aérien que les constructions de Norman Foster.
Mais qu'est-ce qui a amené deux cinéastes hispaniques, Norberto López Amado et Carlos Carcas, à tourner un documentaire sur cet architecte britannique ? Le premier est réalisateur espagnol de télévision depuis 1992. Le second, né à Miami, est le monteur des documentaires musicaux de Fernando Trueba – Calle 54 (2000), Blanco y negro (2003), El milagro de Candeal (2004) – et le directeur de la photographie de Après Béjart, le cœur et le courage, de Arantxa Aguirre (2010). Le lien entre Norberto López Amado, Carlos Carcas et Norman Foster s'appelle Antonio Sanz : photographe, commissaire d'expositions et directeur de Art Commissionners, société spécialisée dans la promotion d'artistes, il collabore étroitement avec la maison d'édition Ivory Press, qui promeut elle aussi l'art contemporain et que dirige l'épouse de Norman Foster, l'espagnole Elena Ochoa. Avec ce documentaire, Art Commissionners débute une série de productions sur les figures-clés de l'art et de la culture au XXIe siècle. Antonio Sanz et Carlos Carcas avaient déjà collaboré sur plusieurs projets avant celui-ci. En 2007, Carcas a notamment été chargé de suivre Foster à l'inauguration de l'aéroport de Pékin et à la remise du prix Aga Khan d'architecture à Kuala Lumpur. Le courant passe entre Carcas et Foster, et c'est durant ce déplacement que l'idée du film prend corps.
Mais comment retracer en 1h18 l'itinéraire d'un architecte largement autodidacte, qui a commencé sa carrière via l'architecture industrielle et les projets « socialement utopiques », a ensuite posé les bases de l'architecture high-tech, a donné naissance à une nouvelle génération de buildings et d'aéroports aux quatre coins du globe, recherchant toujours l'interaction entre la construction et l'espace environnant, ainsi que l'optimisation maximale (faible bilan énergétique, matériaux recyclés, économie de ressources, rejet du béton... d'où le titre), et qui à 77 ans poursuit sa réflexion sur ce que sera l'urbanisme de demain, à travers des villes zéro empreinte carbone comme celle de Masdar aux Emirats Arabes Unis?
Impossible de livrer une biographie exhaustive : les réalisateurs se sont donc attachés à dégager les grandes lignes de son parcours, les choix et orientations qui font sens, la personnalité et les valeurs de l'homme : volonté, détermination, ténacité, implication, passion... Le film est construit de façon classique : la chronologie de la carrière de Foster alterne avec des interviews de lui, des témoignages de ses proches – architectes, collaborateurs, amis – et des images d'archives. Rien de révolutionnaire en somme, ni d'intention critique ou polémique : le propos du documentaire est de faire découvrir celui qui se cache derrière des constructions connues de tous et d'en offrir une première approche, non de lancer un quelconque débat sur le bien-fondé des choix architecturaux de Norman Foster.
Des édifices comme des personnages
L'innovation n'est donc pas à chercher de ce côté-là, mais bel et bien du côté de la mise en scène de son oeuvre. Car comment filmer des bâtiments par définition statiques, autrement dit, comment donner du mouvement à ce qui n'en a pas ? Mr Foster est aussi et avant tout un film qui magnifie l'architecture sans utiliser de mots. Là réside la réussite de ce documentaire qui a nécessité deux ans de travail : il parvient à filmer les édifices comme des personnages et à capter les émotions qui s'en dégagent, depuis des points de vue originaux et inhabituels, en mettant leurs détails en valeur. Le mouvement naît également de la structure narrative qui joue sur les associations d'idées. Ainsi, du premier dessin de Norman Foster enfant – un avion –, on passe de façon naturelle à l'American Air Museum de Duxford au Royaume-Uni, qu'il a construit en 1997, puis au plan d'un avion qui décolle et nous mène au Viaduc de Millau, que l'on survole en une vue imprenable.
En ce sens, les deux réalisateurs ont mis en application l'un des principes de Norman Foster lui-même : l'architecture doit émouvoir, toucher les sens, faire bouger l'esprit. Cela passe par des jeux d'ombres et de lumières, de lignes, de transparence, des angles de vue inédits, des perspectives audacieuses qui exaltent l'œuvre de l'architecte. Le travail sur le cadre et la photographie fait de ce documentaire un bel objet plastique, esthétique, élégant, aussi léger et aérien que les constructions de Norman Foster.
Christelle Guignot
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