Films
Le mystère de l'interprétation juste est confié à Paulina García, au naturel, dans le rôle de Teresa, d'abord asservie puis déterminée et enfin admirable (interprétation grandiose dans Gloria de Sebastián Lelio en 2013) et à Claudio Rissi pour le rôle de « El gringo » Julio (Aballay de Fernando Spiner en 2012), nomade déstabilisant mais vite rassurant et charismatique. Un couple parfait pour raconter haut et fort l'envol d'une libération; le désert pour métaphore du « malaise introspectif » d'après la note d'intention des réalisatrices. La légende du Sanctuaire raconte qu'une femme, Deolinda Correa, a suivi les pas de son amoureux que l'on menait vers La Rioja pour gonfler les rangs de l'armée argentine avant 1850. Epuisée, leur nouveau-né dans les bras, elle perd la vie en chemin. Son bébé survit malgré le désert, à la chaleur de son sein maternel.
Ceux qui ont retrouvé ces deux êtres ont associé la survie de l'enfant à la puissance de l'amour de la mère Correa. Ainsi se répand le mythe. Le personnage de Teresa prend vie dans la sécheresse du désert où tous rappellent les miracles promulgués par la Difuntita. Nous suivons son pas lourd et son regard timide sur un scénario fait de flashbacks lents et de musiques originales (Leo Sujatovich, clavier du grand Luis Alberto Spinetta) éclairants sur la condition de Teresa, de toutes les femmes de sa condition.
L'arc-en-ciel de la libération
Mis à part le reproche des longueurs qui ôtent de l'efficacité à certaines scènes comme la relation qui unit les enfants élevés par les employées de maison ou encore la précarité de leur vie, nous apprécions la beauté du film tourné en cinémascope. Les paysages-personnages sont sublimés grâce à Sergio Armstrong à la direction de la photographie. L'entre-deux de la vie de Teresa est mis en couleur dans un désert aride, ses variations chromatiques et météorologiques complétant ainsi le dialogue des cœurs qui s'ouvrent.
Cecilia Atán (d'abord assistante-réalisatrice puis premier court-métrage El Mar en 2012, les documentaires Madres de Plaza de Mayo en 2015 ; cofondatrice de la maison de production El perro en la Luna) et Valeria Pivato (membre de l'équipe de J.J. Campanella, de Juan Solanas, de Pablo Trapero, prix des scénaristes de Patagonik en 2013 avec Before and after... and after again), réalisatrices et scénaristes, applaudies à leur passage pour « Un certain regard » à Cannes 2017, nous livrent le portrait d'un personnage touchant, loin de tout pathétisme (soulignons ici la scène érotique hautement justifiée et appréciable !). Le travail technique est réalisé tout en finesse rendant ainsi l'envol de Teresa moins brusque et plus digne. Un opera prima entre la Province de Buenos Aires et celle de San Juan au fil du désert salvateur. Des images hautes en couleurs claires et parfois saillantes, aux cadrages larges à en couper le souffle et aux scènes intimes rehaussées par des couleurs chaudes et des plans serrés. Teresa ose vivre. Elle ose et se découvre grande et en vie.
Teresa est celle qui préfère vivre plutôt que mourir en alimentant les enfants qui ne sont finalement pas les siens. Elle relève l'opportunité qui se présente à elle, l'inconnu, et marche libre, forte des corps des autres qu'elle a trop longtemps soignés puis de celui de son compagnon de route, Julio. Teresa n'a pas d'âge, c'est une quête et au bout, elle, réinventée, Femme.
Les Rédacteurs
L'actrice principale Daniela Vega (La visita de Mauricio López Fernández, 2014) interprète le rôle de Marina. Une jeune femme transgenre mais dont l'âge et le genre ne sont discriminatoires que pour les autres personnages. Le réalisateur, Sebastián Lelio, n'en a que faire, sa manière d'affronter la situation est bien plus essentielle. Ainsi, Lelio... Lire la suite